Une surprise qui n’en est pas une.

Comme annoncé depuis quelques jours déjà le gouvernement a décidé d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la constitution à propos du projet de loi de finances et du projet de loi de finances de la sécurité sociale. C’est une surprise dans la mesure où le 49.3 n’a plus été invoqué depuis des lustres. Par contre ce n’est pas une surprise dès lors que l’on se penche sur la composition de l’assemblée nationale.
Commençons par énoncer quelques chiffres : Il y a 577 députés* élus ce qui place la majorité absolue à 289 voix. Depuis les élections législatives de Juin 2022 le gouvernement ne peut s’appuyer que sur une majorité relative ; autrement dit aucun texte ne peut passer de force, entendez avec les seules voix de sa majorité. Il faut un appui direct (vote « pour ») ou indirect (abstention) d’autres groupes pour qu’un texte de loi soit adopté.
Or, les cas des projets de loi de finances et des projets de loi de finances de la sécurité sociale sont différents. En effet ces textes sont des marqueurs politiques puisque voter pour ou contre indique clairement le soutien ou l’opposition au gouvernement**. Voyez les groupes LIOT et LR qui ont annoncé dès le début de l’examen du projet de loi de finance qu’ils voteraient contre ce texte. C’est à mes yeux le déclencheur du 49.3. Pour cela prenons notre calculatrice : l’intergroupe NUPES est composé de 151 députés. Ajoutons les 89 députés du groupe RN et nous arrivons déjà à 240. Prenons ensuite les 20 députés LIOT et les 62 du groupe LR et nous arrivons à 322, soit bien plus que les 289 de la majorité absolue.
Rappelons ici que s’abstenir sur un PLF revient à voter « pour», il n’y a pas de nuance possible. Seul le « oui » compte dans ce vote et ce « oui » est mathématiquement en minorité sur les PLF et autres PLFSS, d’où le recours à la constitution. Ce qui me surprend quelque peu c’est de voir que ce 49.3 est vécu comme une surprise, comme inattendu. Pour l’opposition c’est au mieux un aveu de faiblesse, au pire un « déni de démocratie »***. Pour tout autre observateur de la vie politique c’était inéluctable, tout simplement parce que nous venons de voir que – de part le résultat des urnes – le PLF n’avait aucune chance d’être adopté.
Le gouvernement ne pouvant s’appuyer que sur 251 députés, il lui manquait donc 38 voix pour arriver aux 289 fatidiques. Où pouvait-il les trouver ? Le groupe d’opposition le plus proche politiquement est le groupe LIOT. Ils ne sont que 20 ce qui en admettant qu’ils votent le PLF ne ferait qu’un total de 271. Cela reste trop court, sans compter avec la règle d’airain qui dit que voter un PLF c’est affirmer être dans le camp du gouvernement. Autre option, débaucher 38 députés entre les groupes LIOT et LR. Peut-être cela a t-il été tenté en coulisse, toujours est-il que cela resterait bien hasardeux. Victime d’une chambre hétérogène, ne disposant pas d’une majorité absolue, le gouvernement n’avait pas d’autre choix que d’utiliser le 49.3 pour faire passer ces textes emblématiques.
Regardons maintenant le coté face, la motion de censure. Les règles sont légèrement différentes puisqu’il faut impérativement 289 voix pour voir la motion adoptée. Deux motions ont été déposé sur ce PLF et sans doute deux autres le seront sur le PLFSS. Regardons d’abord celle du groupe LFI. Elle aura l’appui de tout l’intergroupe NUPES ce qui représente 151 « oui ». Mais ensuite ? Si nous nous plaçons un instant sur un terrain politique et non plus mathématique, force est de constater que l’intergroupe NUPES en général et le groupe LFI en particulier ne font aucun effort pour trouver des voix au-delà de leur propre camp. Leur motion de censure n’est qu’un réquisitoire contre l’actuel gouvernement, sans doute trop empreint de radicalité pour rassembler d’autres députés. Nous verrons au moment du débat mais je peux déjà affirmer que l’orateur du groupe LFI n’aura pas un mot pour demander aux députés n’appartenant pas à l’intergroupe NUPES de voter « oui ». Tout le discours sera pour dire combien l’actuel gouvernement gère mal le pays.
J’ajoute que le chiffre de 151 fait en quelque sorte office de scrutin public. Chaque « oui » au-delà viendra forcément d’un député d’un autre groupe. C’est pourquoi j’estime que la motion de censure du groupe LFI ne recueillera que 151 votes au maximum.
Celle déposée par le RN est par contre bien plus politique. Le groupe de Marine le Pen joue à fond le jeu constitutionnel et sa motion de censure vise véritablement à censurer le gouvernement. Il suffit pour cela de faire une courte expérience de pensée. Imaginons qu’un député de l’intergroupe NUPES lise cette motion sans pouvoir en deviner l’auteur. Paragraphe après paragraphe il ne pourra qu’être d’accord avec le contenu de cette motion****. Ce n’est que la signature qui va l’empêcher de voter « oui » et non la motion en elle-même. C’est à la fois subtil et dangereux. Subtil car le groupe RN joue mieux l’épisode motion de censure que le groupe LFI. Tout porte à croire que l’orateur du groupe RN va concentrer son propos sur les autres groupes d’opposition et tenter de les convaincre de voter sa motion.
C’est aussi dangereux car cela obligera l’intergroupe NUPES à justifier de son non-vote « oui » sur le seul nom du groupe qui aura déposé la motion de censure.  Autrement dit LFI appelle à voter sa motion de censure car le gouvernement est disqualifié et doit tomber, tandis qu’il est hors de question de voter la motion du groupe RN qui poursuit pourtant le même but. Ici les ennemis de mes ennemis ne sont pas mes amis. Et quand bien même mon raisonnement serait faux, 89 votes du groupe RN + 151 votes de l’intergroupe NUPES ne font que 240. Comme le groupe LR a déjà annoncé qu’il ne voterait aucune motion de censure – pas plus que le groupe LIOT – il n’y a pas de suspens. Je ne vais pas non plus m’étendre sur les motions de censure du PLFSS qui ne seront que les décalques de ceux qui seront examinés suite au 49.3 du PLF.

Mon dernier mot sera pour le gouvernement. Pouvait-il faire autrement ? Les oppositions crient « oui !», s’appuyant en cela sur les amendements au texte initial, parfois voté contre l’avis du gouvernement. Hélas un amendement ne fait pas une loi oserais-je dire. Voter pour un amendement ne signifie pas voter ensuite pour l’article et voter pour un article ne signifie pas voter ensuite pour le texte.  Les alliances de circonstances le sont véritablement, au gré des débats et des amendements. C’est en tout cas mon analyse, tirée des nombreuses heures que j’ai passé à regarder les députés discuter le PLF. Ma critique porterait plutôt sur le timing. Comme beaucoup nous découvrons ici une zone grise dans l’interprétation de l’alinéa 3 de l’article 49 de la constitution. Peu l’ont compris mais le gouvernement n’engage sa responsabilité que sur le volet « recettes » du PLF. Il y aura donc débat en séance sur le volet « dépenses », avec sans doute là aussi le même scénario que celui que nous vivons en ce moment. Le constituant serait par conséquent bien inspiré de préciser le moment exact où le 49.3 devrait être invoqué. La logique commanderait que ce soit au dernier moment, juste avant le vote solennel. Mais conserver cet entre-deux, ce 49.3 au milieu du gué ne devrait plaire à personne, que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition. D’une part parce que c’est le gouvernement qui dès lors tient le stylo et décide seul du texte final alors que c’est – d’après cette même constitution – au député d’écrire la loi, et d’autre part à cause de la « perte de chance » que représente le couperet du 49.3 en plein débat. Chacun en convient, certains amendements retenus (pas tous mais certains) sont salués comme des avancées par rapport au texte initial. Dès lors il n’est pas interdit d’imaginer que si les débats avaient été à leur terme d’autres amendements auraient enrichi ce PLF. Cette occasion est manquée.

Le gouvernement le sait, les députés le savent, ces motions de censures ne seront pas adoptées, pas plus que les prochaines. Mais si rien ne change d’ici là nous vivrons dans un an les mêmes scènes ; cela aussi chacun le sait, le président de la république le premier.


 * Féminin implicite comme partout sur ce blog.
** Par extension je pourrais dire « opposition au président de la république » mais comme ici il est question du pouvoir législatif et de l’article 49 je continuerai de dire « gouvernement » quand bien même il faudrait lire « gouvernement et président de la république ».
*** Lu dans la motion de censure déposée par le groupe LFI.
**** L’exercice ne fonctionne pas dans l’autre sens.

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A quelques voix près

Jean-Luc Mélenchon l’a affirmé en conférence de presse, il a manqué 1,5% de voix à l’intergroupe Nupes pour obtenir la « majorité absolue » à l’assemblée nationale. Vérifions.
Il lui fallait 138 sièges de plus pour arriver à 289 députés et être majoritaire à l’assemblée nationale. Sur les 375 candidats présents au second tour, 248 ont été battus. Pour arriver à la majorité tant espérée il a manqué aux 138 meilleurs perdants 347 881 voix. Puisqu’au total Nupes a rassemblé sur son nom 6 556 229 votes le différentiel est de 5,3% et non pas de 1,5%.
Il faut néanmoins ajouter des votes additionnels puisque se contenter du calcul brut reviendrait à dire que chacun des 138 candidats n’aurait gagné que d’une voix. Notons aussi que lorsqu’un candidat Nupes s’impose c’est en moyenne avec 4 063 voix d’avance*. Ne retenons ici que la moitié : 2 000 votes d’avance pour 138 candidats c’est 276 000 voix supplémentaires à prendre en compte. Il n’a donc pas manqué 347 881 voix à l’intergroupe Nupes mais 623 881 voix (et même près de 900 000 si je tiens absolument à respecter la moyenne des 4 000 voix d’avance ). Voilà pour la partie Nupes.
Faisons maintenant le même exercice, mais pour la majorité présidentielle. Avec déjà 250 élus la marche est moins haute pour arriver à 289. Il a manqué ici 107 892 voix en chiffres bruts. Comme les députés de la majorité ont été élu avec en moyenne 3 200 voix d’avance je dois par cohérence avec le calcul précédent ajouter 49 x 1 600 = 78 400 voix. J’arrive donc à 186 292 soit en gros deux tiers de voix en moins que ce qui aurait été nécessaire à l’intergroupe Nupes.
Donc si peu qu’il a manqué à Jean-Luc Mélenchon pour devenir premier ministre c’est encore trop peu de deux tiers si l’on compare avec ce qui a manqué à la majorité.


* Caroline Fiat est députée pour 148 voix quand André Chassaigne est député pour 17 333 voix.

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NUPES : Demandez le programme.

Après de longues journées de tractations la France Insoumise, le parti socialiste et EELV se sont mis d’accord autour d’une plateforme commune de propositions en vue des prochaines élections législatives. Nous sommes certes loin de la majorité plurielle de Lionel Jospin ou du programme commun de Mitterrand et Marchais mais au moins la gauche avance t-elle officiellement unie, avec l’objectif d’obtenir plus de 289 députés à l’assemblée nationale. Je veux ici critiquer le communiqué publié par LFI, tant sur le fond que sur la forme.

Si au point 1) LFI et ses alliés annoncent faire barrage à Emmanuel Macron je veux corriger la manière dont est présentée la possible réforme du RSA. C’est la droite dure et elle seule qui veut l’échanger contre du temps de travail, ce que j’ai déjà dénoncé sur ce blog. Le président de la république souhaite seulement remettre à l’honneur le « A » de RSA en faisant en sorte que le bénéficiaire soit actif, par exemple en s’engageant à suivre une formation. Il n’a jamais été question à aucun moment d’emploi obligatoire mais la France Insoumise préfère l’insinuer, bataille politique oblige.
Revenons maintenant au texte. Cette alliance – a priori contre nature – s’est constituée en vue d’ouvrir « la voie à une majorité à l’Assemblée nationale ». Et le communiqué de poursuivre : « Dans cette perspective, conformément à la tradition républicaine, le Premier ministre serait issu du plus grand groupe à l’Assemblée, soit Jean-Luc Mélenchon. »
Que cette phrase est mal écrite ! Mon sentiment est qu’il fallait à tout prix caser le nom de Jean-Luc Mélenchon et associer élection législative et « élection » du premier ministre. Quant à la « tradition républicaine » elle n’existe que pour LFI. Les institutions de la Vème république sont ainsi faites que l’exécutif se doit d’être du même bord politique que la majorité parlementaire. C’est donc une « obligation constitutionnelle », nuance de taille.

J’aurais donné à cette phrase une tournure plus consensuelle et par conséquent moins insoumise. Par exemple, « Puisque le premier ministre sera issu du plus grand groupe élu à l’Assemblée, nous avons convenu de proposer Jean-Luc Mélenchon si jamais nous avions la majorité »

Au point 2) est annoncé la création de la « Nouvelle union populaire écologique et sociale ». Il s’agit de construire « un parlement de campagne rassemblant les forces politiques et des personnalités du monde syndical, associatif, culturel, intellectuel ». J’aime cette énumération qui – nous pouvons parier – ne sert à rien. Ne prenez pas cela pour une attaque directe et gratuite contre LFI puisque chaque parti politique s’engage à cela, mais la loi non-écrite du jeu électoral fera qu’à la fin nous ne trouverons que des députés « rassemblant les forces politiques » de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Les « personnalités du monde syndical, associatif, culturel, intellectuel » devront se contenter du statut de candidat. Aux premiers les circonscriptions gagnables, aux autres les candidatures de témoignage.
Le gros du communiqué réside toutefois dans le point 3) qui énumère le programme politique de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Je propose de passer en revue celles qui ont retenues mon attention.

« La revalorisation du SMIC à 1 400 euros nets et l’organisation d’une conférence sociale sur les salaires, la formation, les conditions de travail et les retraites »
L’organisation de quelque conférence que ce soit ne peut être que l’apanage du gouvernement et pas des députés. C’est peut-être technique mais j’estime qu’il a été rédigé à dessein afin de perpétuer la confusion autour de l’élection législative (« élisez-moi premier ministre ! »).

« La création d’une allocation d’autonomie jeunesse et une garantie dignité »
Anne Hidalgo avait proposé une mesure équivalente dans son programme présidentiel. Ce qu’il y a de « gauche » en moi me pousserait plutôt à explorer la piste du revenu universel sans doute à cause de son coté universel justement, autrement dit sans conditions de ressources ou d’âge.

« Le droit à la retraite à 60 ans pour toutes et tous avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles »
Je signale à LFI et à ses alliés qu’il est déjà possible de partir à la retraite à taux plein à 60 ans, grâce au dispositif « carrière longue ». Si donc la Nouvelle union populaire écologique et sociale veut porter « une attention particulière pour les carrières longues », ça ne pourra être qu’en la rendant plus courte que ce qu’elle n’est aujourd’hui… Pour ce qui est des métiers pénibles je reste sur mes positions car je persiste à penser que c’est la seule voie qui puisse permettre de parvenir à un large consensus.

« Le blocage des prix des produits de 1ère nécessité »
Les plus anciens auront connu l’époque où c’était le gouvernement qui fixait le prix du pain. Si je suis conscient comme tout le monde des difficultés présentes je ne suis pas convaincu que le blocage des prix soit « la » solution, sauf à supposer que les fabricants et les distributeurs profitent de la situation actuelle pour augmenter leurs marges et par conséquent leurs bénéfices, auquel cas la hausse que nous constatons ne serait en fait qu’artificielle.

« (…) la lutte contre l’ubérisation du travail avec la présomption de salariat pour les travailleuses et travailleurs des plateformes »
C’est la mesure avec laquelle je suis le plus susceptible d’être d’accord, tout simplement parce que cette nouvelle manière de travailler est au minimum une optimisation sociale du travail. J’ajoute qu’il y a toutes les chances pour que ce type d’emploi devienne majoritaire à l’avenir, ce qui explique pourquoi il faudrait se pencher sur ce dossier sans plus attendre.

« L’affirmation d’un impératif de justice écologique, qui se décline à travers une démarche de planification, pilotée par de nouveaux indicateurs de progrès humain ainsi que la règle verte »
Que seront les « nouveaux indicateurs de progrès humain » ? Est-ce à dire que LFI et ses alliés prônent la décroissance ? J’ai le sentiment que oui. Quant à la « règle verte » j’avoue que c’est la première fois que je rencontre cette expression.

« La fin de la monarchie présidentielle avec la 6ème République et le référendum d’initiative citoyenne, et un nouveau rôle pour les collectivités locales et les mouvements sociaux, syndicaux et associatifs. »
Il y a beaucoup à dire avec ce point. La mise en place d’une VIème République (notez l’absence – volontaire ! – du chiffre romain dans le communiqué) aurait donc été approuvée par le PS et EELV ? Tout le monde sait pourtant que c’est une demande exclusive de LFI, qui n’a jusqu’à présent jamais été reprise par aucun autre parti. J’ajoute qu’en outre ce ne peut être qu’une proposition présidentielle puisqu’elle nécessitera au mieux une réforme constitutionnelle et au pire un referendum, referendum qui ne peut être qu’à l’initiative du président de la république et non pas du seul premier ministre et encore moins de l’assemblée nationale.
J’ai aussi déjà expliqué ici ma réticence à la mise en place du « référendum d’initiative citoyenne » car ce n’est à mes yeux qu’une illusion démocratique. Enfin je suis inquiet de savoir ce qu’entend LFI avec ce « nouveau rôle » que devraient jouer « les mouvements sociaux ». Suffirait-il donc de revendiquer pour obtenir ? Dit tel quel je ne peux pas déduire autre chose que cela.

« L’imposition de l’égalité salariale, consacrer 1 milliard d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes, allonger la durée du congé parental, et en particulier du congé paternité »
Ce sont là deux mesures qui étaient dans le programme présidentiel d’Anne Hidalgo. Sur la lutte contre les violences faites au femmes cela revient à en multiplier le budget par 20. Quant au congé paternité je rappelle que la candidate socialiste souhaitait l’imposer et pas seulement le proposer.

« La mise en place d’une fiscalité plus juste avec notamment le rétablissement de l’ISF et l’abrogation de la flat tax »
Une fiscalité plus juste consisterait plutôt à revenir au texte de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen («Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés»). Puisque tous les citoyens bénéficient des équipements publics il est logique que tous y contribuent selon ses moyens, ce qui veut dire que lorsque l’on est « très riche » on y contribue « beaucoup ».

« La défense de la République laïque et universaliste, la protection de la liberté de conscience et d’expression, une action résolue contre le racisme, l’antisémitisme et toute forme de discrimination et le combat contre les communautarismes et l’usage politique des religions »
Voici la mesure qui m’inquiète le plus car elle contient dans la même phrase ce qu’on pourrait appeler des injonctions contradictoires. LFI et ses alliés veulent combattre « les communautarismes et l’usage politique des religions ». Il n’y aurait rien à redire sauf qu’il est écrit l’inverse dans le début de la phrase, du moins est-ce comme cela que je l’interprète. En effet la Nouvelle union populaire écologique et sociale souhaite protéger « la liberté de conscience et d’expression » tout en défendant une « République laïque ». Les demandes communautaristes le sont précisément au nom de la liberté de conscience. Pour citer un cas concret je n’ai jamais entendu aucun élu LFI expliquer que la mise en place d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines municipales est inenvisageable parce qu’elle reviendrait à reconnaître un « usage politique des religions ». Je ne peux pas en dire autant de certains élus EELV qui eux militent pour la mise en place d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines municipales. Je veux terminer la discussion de ce point en précisant que pour moi la République laïque consiste à ne reconnaître aucune religion. La laïcité protège la liberté de culte mais pas la liberté de conscience, tout simplement parce qu’elle est déjà protégée par l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen («Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »). Mais sans doute LFI entretient-il exprès la confusion entre laïcité et liberté de conscience.

« L’adoption d’un bouclier logement afin de limiter la part des revenus consacrée à se loger, notamment par l’encadrement des loyers à la baisse sur tout le territoire et la production de logements sociaux »
Le bouclier logement était un point important du programme électoral d’Anne Hidalgo. Je suis opposé à cette mesure parce qu’elle n’est rien d’autre que de l’assistanat. Dans la pratique il s’agirait de permettre aux ménages modestes de pouvoir entrer dans un logement dont le loyer représenterait plus de 30% de leur budget, le « bouclier » venant compléter la différence. Ainsi un ménage gagnant deux fois le SMIC et qui voudrait s’installer dans un logement dont le loyer est de deux fois le SMIC pourrait l’occuper tout en ne payant que 30% de ses revenus. Où placer la limite supérieure ? Comment combattre l’effet de seuil ? Les implications concrètes rendent ce dispositif tout simplement impossible à mettre en place.

« 1% du PIB dédié à la culture, des budgets alloués sur cinq ans, sur tout le territoire national, afin de donner une nouvelle ambition aux politiques culturelles »
C’est la mesure qui me fait le plus sourire car cette promesse électorale du « 1% pour la culture » date de 1981 et fleure bon l’époque « Jack Lang ». La gauche au pouvoir ne l’a jamais appliqué, ce qui me suffit pour discréditer cette proposition. Pour ce qui est des budgets alloués sur cinq ans je crains qu’ils ne soient anticonstitutionnels car le PLF ne peut décider que du budget de l’année. Il n’est pas possible de voter des crédits sur plus long.

« L’ouverture de nouveaux droits comme celui du droit de choisir sa fin de vie »
Cette phrase me fait peur. Pour ce qui est du « droit de choisir sa fin de vie » il n’y a aucun doute sur les intentions de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, il s’agit pour eux de rendre légal le suicide assisté. Pour les « nouveaux droits » le premier qui me vient à l’esprit est la légalisation de la GPA en France. Si ces deux sujets méritent débats il ne méritent en aucun cas d’être imposés.

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Un décompte qui compte, au début…

Après avoir proposé sur ce blog de simuler le second tour de l’élection présidentielle j’ai aussi voulu regarder comment se passerait le dépouillement avec une question en tête : « Imaginons un score serré, par exemple de 51%/49%*. A partir de combien de bulletins dépouillés peut-on être certain du résultat du scrutin ? ».
Avant de discuter de la réponse regardons comment s’organisera notre second tour virtuel. Comme à mon habitude je vais utiliser un tableur et la fonction ALEA(), ce qui va me permettre de tirer au sort un nombre entre 0 et 100. Je vais bien entendu tenir compte des bulletins blancs ou nuls, que j’estime à 12,7%. Histoire d’être précis, tout nombre inférieur ou égal à 12,696 signifiera que notre électeur a voté blanc ou nul. Au-delà et jusqu’à 55,448 je vais dire que le vote va pour « A », autrement ce sera un vote pour « B ». La traduction en pourcentage donne un score net de 49,2% pour « A » et de 50,8% pour « B ». Coté panel j’ai choisi 1% des votants du premier tour soit un groupe de 359 235 électeurs. Ces derniers vont donc – via mon tableur – soit voter « A » soit voter « B » soit encore déposer un bulletin blanc ou nul dans l’urne. Tous les éléments étant en place il n’y a plus qu’à commencer le dépouillement.
Le premier bulletin est pour « A », il a donc pour le moment 100% des voix. Le second est pour « A » aussi. Le premier bulletin blanc ou nul arrive avec la 4ème enveloppe. Avançons quelque peu. Après 100 votes j’ai 16 bulletins blancs ou nuls, 40 voix pour « A » et 44 voix pour « B » (47,6% – 52,4%). 100 bulletins plus tard l’écart s’est creusé à 58,5% pour « B » et 41,5% pour « A ». Allons jusqu’à 1 000 : « A » vient de retrouver le niveau qu’il avait après 100 votes. Nous poursuivons notre dépouillement et nous constatons que l’écart devient si faible que nos deux candidats sont pour la première fois à égalité parfaite après 2 518 votes : 1 106 voix chacun. 31 bulletins plus tard « A » reprend la tête de la course aux voix : 1 121 à 1 120. Le coude-à-coude va perdurer durant 300 votes puis « A » semble se détacher : 1 voix d’avance après 2 858 bulletins dépouillés, puis 10 puis 20 alors que nous avons passé le cap des 3 000 enveloppes ouvertes. Sauf que cela stagne et ne monte guère plus haut que 26 voix d’avance. A partir de 3 175 votes c’est le début de la descente et arrivé au bulletin 3 330 tout est à refaire pour les deux camps.
Ensuite et durant près de 700 bulletins c’est l’indécision qui domine même si jamais « B » ne passe devant. Il prend une dizaine de voix de retard, rattrape ce retard pour en concéder aussitôt autant. Mais arrivé à l’électeur 3 833, « B » mène d’une voix. Après 5 000 votes il y a encore 25 voix d’écart en faveur de « A » (2 200 contre 2 175) mais nous avons 2 444 voix pour chaque candidat après 5 563 enveloppes ouvertes. Rien n’est joué et bien malin qui pourrait dire à ce stade qui va l’emporter. Voire ! Car s’il reste encore 353 672 enveloppes à ouvrir je vais vous épargner de raconter la suite au même rythme. Tout simplement parce que pour aussi incroyable que cela puisse paraître les jeux sont faits. En effet, à partir de ce moment « B » ne sera plus jamais rejoint. Vers 17 000 « A » aura bien 49,8% mais c’est un pic qu’il ne retrouvera pas. Voici les scores constatés :

Après 50 000 bulletins : 49,2% – 50,8%
Après 100 000 bulletins : 49,0% – 51,0%
Après 200 000 bulletins : 49,1% – 50,9%
Après 300 000 bulletins : 49,0% – 51,0%

Nous avons enfin terminé de dépouiller les 359 235 votes. Notre résultat définitif montre 45 691 bulletins blancs ou nuls, 153 583 voix pour « A » et 159 961 voix pour « B ». « B » est élu avec 51,0% des suffrages. Il faut bien mesurer la portée de cet exercice : Tout s’est joué alors que pas même 2% des bulletins auront été dépouillé (la dernière égalité arrive à 1,57%). Il est impressionnant de constater qu’un écart aussi minime que 1,6 points se détecte aussi rapidement.
Existerait-il un biais ? Après tout je n’ai regardé que 1% de ce qui arrivera le 24 Avril prochain et il est manifestement impossible que le résultat soit identique quand il est répété 99 fois. « A » doit bien pouvoir battre « B » de temps en temps , non ? Non. Afin d’étayer mon affirmation le mieux est de retourner à notre tableur et de simuler 99 autres fois notre dépouillement.
Tirons de nouveau au sort 359 235 nombres en respectant notre postulat de départ. Si je fais l’opération 100 fois j’aurais simulé la totalité de l’élection ; nous verrons alors si le hasard donne au moins une fois « A » gagnant alors qu’il n’est derrière « B » que pour 1,6 petits points. Las, il n’y a pas de hasard à attendre du hasard et nous avons eu beau multiplier l’exercice par 100 il donne à chaque fois le même résultat.
Décidément, le seul moyen pour générer du suspens est de réduire l’écart de voix entre « A » et « B ». Inversons alors le résultat du scrutin et décrétons que « A » gagne l’élection mais de justesse : 50,1% contre 49,9%. Est-ce que dans ce cas le dépouillement peut proposer un résultat inverse ? Presque. Dans ma simulation « B » est devant 10 fois sur 100 mais cela signifie aussi que 90 fois sur 100 « A » obtient plus que la majorité. Certes il y a suspens mais il reste léger, surtout si nous regardons le détail. Sur les 10 fois où « B » gagne ce n’est jamais par plus de 630 voix d’écart. J’ai même un cas où la différence n’est que de 3 voix** ! Par contre lorsque « A » gagne ce n’est jamais avec moins de 59 voix d’écart. En outre je vois souvent des « +1 000 », des « +600 ». Bref, en dépit des 0,2pt qui séparent « A » de « B » nous voyons très vite lequel des deux va l’emporter.
Arrivé à ce point autant pousser l’expérience à fond. Comment se passerait le dépouillement si « B » gagnait d’un cheveu, disons 50,03% contre 49,97% ? Après tout cela fait aux alentours de 30 000 voix pour 35 millions d’électeurs, autrement dit rien. Vu de loin chaque voix va compter mais est-ce vraiment le cas ? Regardons. Sur mes 100 simulations « B » a gagné 69 fois et « A » 31. On pouvait s’attendre à un écart plus serré compte-tenu du score de chaque candidat. Mais là encore c’est dans les détails que nous voyons combien cela était inéluctable : Lorsque « A » l’emporte c’est en moyenne avec 369 voix d’avance alors que lorsque c’est « B » cette moyenne monte à 609. L’écart a beau être infime la pièce tombe presque toujours du même coté.
Vous pourrez vérifier de votre coté, « ça marche » ! Il y a pourtant un biais mais il ne concerne pas la méthode en elle-même. C’est que dans la réalité du scrutin les bulletins sont dépouillés bureau de vote par bureau de vote. Cela a deux conséquences. La première est relative à la taille puisqu’en moyenne chaque bureau de vote est constitué de 680 inscrits, ce qui est très peu. L’autre conséquence tient à la sociologie politique du bureau de vote : certains sont acquis à « A » et d’autres à « B ». Dès lors le résultat est biaisée d’entrée de jeu pour ce bureau de vote et il ne permet pas d’extrapoler le résultat de la France entière. Ma méthode – pour parfaitement juste qu’elle soit – n’est pas applicable « en vrai ». Ou alors il faudrait transporter au ministère de l’intérieur les 35 000 000 d’enveloppes avant de les ouvrir. Mais qui accepterait le résultat si l’on en ouvrait que 10 000 ? Personne bien sûr. Pourtant le résultat mathématique est là, implacable.

La conclusion finale est contre-intuitive : Un faible écart entre les deux candidats n’est pas synonyme d’indécision au moment du dépouillement. Au contraire ce dernier révèle assez vite le gagnant, installant la suite des opérations dans un faux suspens. Voilà pourquoi les instituts pourront dire dès 20h qui sera notre prochain président***, y compris s’il n’y a que 0,2pt d’écart.


 

* Peu importe pour qui, ce n’est pas le sujet. C’est d’ailleurs pour cela que dans tout ce billet il ne sera question que du candidat « A » et du candidat « B ».
** C’est un tableur ne l’oublions pas. Le recomptage donnera donc à nouveau 3 voix.
*** Leur méthode consiste à lisser autant que possible les biais dont j’ai parlé.

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