Les écueils d’un Referendum d’Initiative Citoyenne (RIC).

C’est un tweet de Guillaume Champeau qui me pousse à reprendre la plume sur le RIC. Suite à l’article de France-Inter annonçant que « Le gouvernement [est] en passe d’enterrer la mise en place de la proportionnelle« , ce dernier écrit qu’ « Un pouvoir quel qu’il soit n’est jamais pressé de modifier les conditions grâce auxquelles il a obtenu le pouvoir. C’est pour ça que le référendum d’initiative citoyenne permettant d’impulser des changements « par le bas » est une nécessité en démocratie. »
Je veux décrire ici tous les obstacles à lever avant d’arriver au RIC sur la proportionnelle aux législatives ; nous verrons ensemble à quel point le RIC que Guillaume Champeau appelle de ses voeux serait inopérant.
Commençons par dire que d’un point de vue formel le RIC ne consiste pas à voter la proportionnelle, non. La question du referendum serait plutôt « Approuvez-vous le projet de loi consistant à élire les députés à la proportionnelle », voire « Autorisez-vous le Parlement à ratifier la réforme constitutionnelle (cité en annexe) ? ».
Ce que je veux dire ici c’est que ce sont les députés (et les sénateurs) qui votent la loi. Le citoyen – le C de RIC – n’a pas ce pouvoir en dépit de que qu’on pourrait en croire.

1er écueil : Faute de réforme constitutionnelle le RIC n’est rien de plus ni de moins qu’un referendum tel que nous le connaissons en ce moment.

Admettons toutefois que la pression citoyenne soit telle que le gouvernement ne puisse faire autrement qu’organiser un referendum pour que la poportionnelle entre à l’assemblée nationale. Ce serait alors un RIG, un referendum d’initiative gouvernementale. Mais surtout nous retomberions sur un referendum « classique », or le RIC ne peut pas être un referendum « classique » à cause du IC. Il se doit d’être d’initiative citoyenne ou bien il n’est pas.

2ème écueil : C’est le citoyen qui doit tenir le stylo lors d’un RIC, et lui seul.

Le citoyen, pas un parti politique quand bien même ce dernier appuierait de toutes ses forces cette initiative. Mais qu’écrire dans ce texte, comment mettre en place la proportionnelle ? Nous arrivons-là au coeur du problème : tous les partis d’opposition au gouvernement veulent de la proportionnelle mais personne n’est d’accord sur la manière de la mettre en musique. En cause les groupes parlementaires, indispensables au débat dans l’hémicycle. C’est parce qu’un député appartient à un groupe qu’il a plus ou moins de temps de parole, plus ou moins de capacité à poser des questions au gouvernement. Le seul aspect du travail de la loi qui ne fasse pas de différence entre les groupes est celui relatif au dépôt des amendements ; dans ce domaine chaque député peut en déposer autant qu’il le souhaite.
Ainsi, chaque parti d’opposition voudra bien de la proportionnelle mais à la condition que cela lui assure d’avoir un groupe parlementaire à l’assemblée nationale. Chassez la logique politicienne et elle revient au galop. Ajoutons aussi le corrolaire d’une élection proportionnelle, consistant à voter pour une liste et non plus pour un individu. C’est pourquoi je considère que le RIC – à supposer qu’il puisse voir le jour un jour – ne peut pas avoir pour objet un sujet politique mais uniquement un sujet sociétal.

3ème écueil : un RIC à visée politique – par opposition à un RIC à visée sociétale – sera toujours impossible à organiser, faute d’accord préalable sur le texte à soumettre au referendum.

Faut-il donc se passer des partis et écrire soi-même la future réforme de l’élection des députés ? Quand on lit les critiques envers la Convention Citoyenne sur le Climat ou qu’on se glose du « comité citoyen » chargé de regarder la politique vaccinale du gouvernement, je ne vois pas en quoi un n-ième comité serait lui légitime pour écrire la loi. Sans compter que ce comité pourrait très bien rédiger un texte qui n’aurait pas l’assentiment des partis d’opposition, ce qui serait un comble.

4ème écueil : un RIC doit-il nécessairement avoir l’appui des partis d’opposition au gouvernement ?

Enfin, après toutes ces péripéties arrive le jour J, le jour du scrutin. Sauf que si le « Non » l’emporte cela aura été « tout ça pour ça »…

5ème écueil : le résultat du RIC doit-il être forcément « Oui » ?

Car il ne faut pas s’y tromper, celles et ceux qui réclament un RIC ne réclament pas un RIC, non. Ils réclament un RIC à la condition que le « Oui » l’emporte, ce qui est certes compréhensible mais pas forcément très juste.

Pour en revenir au tweet initial de Guillaume Champeau, le gouvernement actuel fait tout pour que la proportionnelle ne voit pas le jour, dont acte. Mais cela veut aussi dire qu’en cas d’alternance en 2022, le futur gouvernement s’appuiera sur une majorité parlementaire qui aura été élue avec 0% de proportionnelle. D’ici à ce qu’elle se dise qu’après tout, si on a été élu comme ça c’est qu’on peut très bien être réélu avec les mêmes règles électorales, et vous voyez qu’un RIC sur ce sujet précis n’est pas prêt de voir le jour.

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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