Projet de loi de finances, on rejoue le match

Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a présenté au conseil des ministres du 27 septembre le budget 2024. Je vais m’attarder dans ce billet sur un unique point, le futur débat parlementaire. Inutile aux oppositions de déjà crier, d’hurler après « la démocratie que l’on bafoue » voire pour les plus radicaux d’expliquer partout que « la dictature est en marche » car d’une part cela a déjà été dit l’an dernier et d’autre part nous savons comment tout ceci se terminera : Comme l’an dernier.
Puisque la composition de l’assemblée nationale est cette année la même que celle de l’année dernière le scénario est écrit d’avance. Chacun devrait au moins en convenir ce qui évitera des débats oiseux et par voie de conséquence contre-productifs. Commençons donc par la fin : Oui le budget ne passera que par la voie du 49.3 et oui le gouvernement ne peut pas faire autrement. Pour deux raisons.
Primo, ce dernier n’a pas de majorité absolue à l’assemblée nationale. Si cela n’est pas important pour d’autres textes de loi ça l’est pour le PLF. Secundo, ne pas voter le PLF revient à le voter ! De par nos institutions et même s’il est possible de s’abstenir, seules les voix « pour » comptent lors d’un PLF et c’est uniquement cela qui explique le recours au 49§3. Demandez donc aux groupes LR ou LIOT pourquoi ils ne s’abstiennent pas au lieu de voter contre, ou plutôt demandez-vous pourquoi aucun député d’aucun groupe ne s’abstient au moment du vote du PLF. Vous connaissez déjà la réponse ou vous faites semblant de l’ignorer mais voter un PLF c’est affirmer soutenir le gouvernement, c’est en quelque sorte en faire partie. Dès lors la moindre abstention est lue comme un « pour » qui n’ose pas dire son nom. C’est là la seule différence avec l’examen des autres textes présentés à l’assemblée nationale.
Notre Vème république a été bâtie pour un parlement non pas bipolaire mais d’essence majoritaire. Notez toutefois que le constituant – et là aussi je me répète – a placé dans le même article 49 et – ô comble ! – dans le même alinéa 3 à la fois le pouvoir pour le gouvernement de bloquer le vote et le pouvoir pour le parlement de le censurer. Drôle de « dictature » où pour un pouvoir accordé à un gouvernement se trouve à quelques mots de distance le contre-pouvoir permettant de l’annihiler.
Quant à ceux qui réclament l’abrogation du 49§3 je réponds que cela implique l’abrogation de la motion de censure, à tout le moins de le placer à un autre endroit de la constitution et donc de le déconnecter de la demande de vote bloqué. Surtout cela ne résoudrait en rien la situation d’aujourd’hui. Faisons un peu de politique-fiction et imaginons un PLF 2024 sans possibilité de recours au 49§3 mais avec la même composition politique à l’assemblée nationale. La solution est toute trouvée et déplaira autant aux oppositions que l’article de la constitution qu’ils souhaitent voir disparaître. Il suffira en effet au gouvernement de présenter un budget capable d’attirer à lui les voix des groupes LR et/ou LIOT, au prix bien sûr de quelque postes ministériels en échange. Nous retomberions alors dans une assemblée nationale majoritairement dévouée au gouvernement, bouclant la boucle.

Pour résumer ma pensée :

* Nous vivrons cette année avec le PLF ce que nous avons vécu l’an dernier. Si de plus la composition de l’assemblée nationale ne change pas d’ici là nous vivrons l’an prochain ce que nous nous apprêtons à vivre cette année.
* Tout PLF a besoin d’une majorité absolue pour passer le vote du parlement. Sans elle seul le recours au 49§3 permet au pays d’avoir un budget.
* Sans 49§3 le gouvernement n’a pas d’autre choix que de bâtir un budget susceptible d’attirer à lui assez de députés pour obtenir une majorité absolue (Cf point précédent).
* Réclamer l’abrogation du 49§3 revient à réclamer l’abrogation de la motion de censure.

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Les propositions d’EELV, proposition par proposition.

EELV a diffusé il y a quelques semaines « 21 propositions pour une France écologiste et solidaire » que je me propose de critiquer ici.

Proposition 1, « SOUTENIR LA JEUNESSE : RSA JEUNES ET REVALORISATION DES BOURSES »
En fait d’une proposition il y en a quatre. D’abord donner le RSA à tous les jeunes de 18 à 24 ans. Pour avoir critiqué une proposition de loi du groupe LFI qui traitait du même sujet je vais répondre que c’est démagogique. Sur ce terrain je ne vois que le revenu universel dont je pense que EELV est contre, précisément à cause de son caractère universel… Ensuite il s’agit de multiplier par quatre le budget dédié aux bourses étudiantes et de supprimer le SNU, tout ceci gagé sur une « réforme de la fiscalité sur l’héritage ». Pour avoir regardé de près le « RSA jeune » ou peu s’en faut il faut compter pour cette seule mesure sur un budget de 29 milliards d’euros quand EELV ne prévoit que 16 milliards. Bref tout ceci est mal budgétisé, pour le dire de manière diplomatique.

Proposition 2, « POUR UNE RÉELLE MIXITÉ À L’ÉCOLE »
Ici EELV propose de fixer « un seuil de non ségrégation scolaire » entre élèves favorisés et élève non favorisés. Pour avoir écrit ici sur le sujet je suis en total désaccord avec cette proposition. Il faut au contraire chercher à donner aux élèves « non favorisés » le même enseignement que celui donné aux élèves « favorisés ».

Proposition 3, « MAINTENIR LES SERVICES PUBLICS, PARTICULIÈREMENT LA SANTÉ »
EELV propose un « moratoire sur la fermeture de services publics nationaux » et « favoriser l’installation des médecins – généralistes et spécialistes – et des chirurgiens‑dentistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante ». Pour ce dernier point dois-je rappeler que tous les gouvernements de droite comme de gauche se sont attelés à cette tâche sans plus de succès pour les uns comme pour les autres. J’ai donc du mal à croire en la solution simple consistant en des « autorisations d’installation délivrée par l’ARS dans les zones tendues ».

Proposition 4, « GARANTIR L’ACCÈS À L’EAU ET À L’ÉNERGIE »
Etrangement, je suis pour étudier comment mettre en place « une gratuité de[s] premières unités de consommation » et non pas pour une gratuité totale comme le propose le groupe LFI.

Proposition 5, « SOUTENIR LES FAMILLES »
Si EELV souhaite « revaloriser les allocations familiales » je suis quant à moi pour un retour à l’universalité des allocations familiales. En tout état de cause la France a besoin d’une révision de sa politique face à la baisse de la natalité dans notre pays.

Proposition 6, « ASSURER UN ACCUEIL DIGNE »
Comme souvent dans ce texte il y a 3 propositions en une. A propos de « stopper la trop grande dématérialisation des services de préfecture pour revenir en partie à des guichets » j’imagine que EELV ne limite pas cela au seul accueil des étrangers. Quant à « assurer un véritable accès aux soins pour les étrangers » j’avoue ne pas savoir citer de mémoire un domaine médical où un étranger malade ne serait pas soigné.

Proposition 7, « RÉNOVER LES LOGEMENTS »
Mais tout le monde veut rénover les logements ! suis-je tenté de répondre. Qui souhaite habiter une passoire thermique ? Pour ce qui est de la politique globale du logement je vous renvoie à un billet de mon blog sur le sujet.

Proposition 8, « FINANCER LA TRANSITION »
EELV souhaite le faire en « instaurant un ISF climatique » dont il donne les taux mais pas le rendement espéré. Pour ce qui est du fléchage de la taxe j’attends de voir.

Proposition 9, « INVESTIR DANS LE FERROVIAIRE »
Certes mais surtout pas en mettant en place la liaison Lyon-Turin. Mais où trouver un financement à hauteur de « 100 milliards d’euros sur 15 ans » ?

Proposition 10, « PROTÉGER LE CLIMAT, VRAIMENT »
Oui, c’est bien le bon titre. EELV veut protéger le climat, « vraiment » quand je suppose d’autres le protègent mais pas « vraiment ». Hélas le climat est planétaire et pas franco-français, encore moins politique. Dès lors, en supposant que la proposition d’EELV soit mise en place je doute qu’à elle seule elle fasse évoluer le climat.

Proposition 11, « GARANTIR L’ACCÈS À L’EAU »
Cette proposition me donne l’impression que EELV suit la formule « un fait divers, une proposition de loi » car on ne parlait pas des méga-bassines il y a encore quelque mois.

Proposition 12, « FAIRE DE LA FRANCE LE MOTEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE EUROPÉENNE »
Ce ne sont là que des déclarations d’intention, difficiles à mettre dans une loi.

Proposition 13, « AGIR POUR LA BIODIVERSITÉ ET LE DROIT À LA NATURE »
J’aime assez le « Garantir l’accès à la nature pour tous en assurant au moins un jour sans chasse par semaine. ». Mais EELV devrait assumer plus nettement sa position anti-chasse et ne pas la cacher derrière une « garantie d’accès à la nature ».

Proposition 14, « LA PROPORTIONNELLE POUR UNE DÉMOCRATIE PLUS APAISÉE »
L’idée est louable mais la composition actuelle de l’assemblée nationale démontre chaque jour ou presque combien la démocratie est tout sauf apaisée en l’absence de majorité absolue. Pour le dire autrement proportionnelle oui, mais à la condition de dégager une majorité absolue. Je propose donc que le mode d’élection des députés suive celui de l’élection municipale. Mon seul bémol étant que par voie de conséquence l’électeur votera pour une liste politique et non plus pour « son » député.

Proposition 15, « ECOUTER LA DÉMOCRATIE TERRITORIALE, NOTAMMENT EN CORSE ET DANS LES OUTRE-MERS »
Inutile de paraphraser, EELV souhaite l’autonomie de la Corse.

Proposition 16, « CONSTITUTIONNALISER L’IVG »
Je le dis d’emblée, je suis « pour » l’IVG. Mais l’inscrire dans la constitution ? Il y a pourtant des sujets de société comme la peine de mort qui y sont donc pourquoi pas en effet y ajouter l’IVG. Mais une fois l’IVG ajouté pourquoi ne pas y ajouter également le mariage pour tous, afin de le constitutionnaliser face aux menaces réelles ou supposées de l’abroger ? Voilà pourquoi je suis partagé sur cette question avec je l’avoue une petite préférence pour le « non ».

Proposition 17, « LUTTER CONTRE LES FÉMINICIDES ET LES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES »
Qui veut aller là contre ? Personne. Ici EELV propose de multiplier par 50 (!) le budget qui y est consacré. Parenthèse sémantique pour rappeler que l’homicide n’est pas le meurtre d’un homme mais le meurtre d’un être humain sans distinction de son sexe, de sa race ou de sa religion.

Proposition 18, « ORGANISER UN RÉFÉRENDUM SUR LA RÉFORME DES RETRAITES »
Constitutionnellement parlant seul le président de la république peut décider d’un tel referendum*. Partant de là EELV forme un voeu pieux sauf à ce que le prochain président de la république** soit issu de ses rangs ou d’un mouvement proche des idées du parti écologiste.

Proposition 19, « PROTÉGER LA LIBERTÉ DE LA PRESSE »
Il s’agit d’abord et avant tout de démanteler les groupes qui détiennent les titres de presse. Quant à  « l’exemple du Journal du Dimanche » et bien que non spécialiste je crois savoir qu’il existe dans la convention collective des journalistes une clause de conscience qui leur permet de partir en cas de désaccord avec la ligne éditoriale du journal.

Proposition 20, « FAIRE DE L’EUROPE UN ACTEUR GÉOPOLITIQUE POUR LA PAIX »
Là aussi voeu pieux puisque l’Europe c’est d’abord 27 pays. Ensuite qui parmi ces 27 serait officiellement « contre » la paix ? Admettons donc que EELV souhaite que la France soit encore plus moteur qu’aujourd’hui au sein de l’Europe pour faire avancer la paix.

Proposition 21, « REFONDER LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE »
EELV souhaite « renforcer le rôle du Parlement dans l’orientation et le contrôle de la politique étrangère de la France ». A mes yeux cela n’est possible qu’avec une réforme constitutionnelle. Reste à savoir ce que le parti écologiste souhaite écrire.


* J ’assume utiliser l’ancienne orthographe consistant à ne pas accentuer les mots étrangers, a fortiori lorsqu’ils sont latins.
** féminin implicite comme à chaque fois sur ce blog.

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Poker menteur

Tout le monde ou presque a désormais entendu parler de la proposition de loi du groupe LIOT « abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite,». Aujourd’hui avait lieu son examen par la commission des affaires sociales. Mais pour le suiveur que je suis des travaux de l’assemblée nationale je dois reconnaître que nous avons là un nouveau cas d’école qui sans doute fera date.
Essayez de suivre avec moi cette partie de poker menteur. Poker à cause du « bluff » et menteur puisque je suis bien obligé de constater que certains groupes parlementaires et le gouvernement tour à tour font l’inverse de ce qu’ils annoncent vouloir faire.
Tout a bien entendu commencé avec le « projet de loi rectificatif du budget de la sécurité sociale » qui ne rectifiait pas le budget de la sécurité sociale mais engageait la réforme des retraites. Tout le monde s’est plaint de ne pas avoir assez de temps pour débattre. L’opposition d’abord en accusant le gouvernement d’utiliser l’article 47 alinéa 1 à l’appui du texte. La majorité* ensuite en accusant l’opposition d’avoir déposé près de 20 000 amendements pour ne pas avoir à voter le texte. Cela s’est donc terminé par un texte réputé voté (article 49 alinéa 3) puisque la motion de censure déposée en application de ce même article de la constitution n’a pas obtenu la majorité absolue. Je me permets d’ajouter que – dès sa discussion en commission puis en séance – tout le monde savait que l’article 2 instituant l’index sénior serait rejeté par le conseil constitutionnel. Cela n’a pas empêché l’opposition parlementaire de déposer des amendements et d’en débattre alors que le bon sens commandait de dire « je sais que cet article sera rejeté par le conseil constitutionnel il est donc inutile d’en parler, que ce soit en bien ou en mal ». Une fois notre PLFRSS passé sous les fourches caudines du conseil constitutionnel, il a été promulgué dans la nuit qui a suivi et permis de créer une nouvelle polémique, polémique inutile et parfois oiseuse**.
Nouvelle passe d’armes « post-mortem » sur le thème « mais oui nous voulions voter ce texte, c’est vous qui avez tout fait pour que ce ne soit pas le cas ». Vous noterez que – majorité ou opposition – vous pouvez employer cette phrase sans en changer un seul mot.
Là-dessus le groupe LIOT décide de déposer une proposition de loi pour revenir sur le PLFRSS et l’inscrit à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. « Coup dur » pour la majorité car l’article 49 alinéa 3 ne peut s’appliquer que sur des projets de loi et non sur des propositions de loi. Au moment de son dépôt j’avais en tête la séance de la niche parlementaire du groupe LFI, qui avait donné lieu à des débats houleux et des passes d’armes savoureuses puisque le gouvernement en personne avait joué la montre pour ne pas voir certain texte être voté et que dans la même journée le groupe LFI avait retiré au dernier moment un texte qu’il avait pourtant mis à son ordre du jour, exprès pour qu’il ne soit pas voté.
Mais revenons à la PPL LIOT. Comme toute PPL qui se respecte elle est correctement gagée. Je n’ai pas l’intention de croiser le fer avec des constitutionnalistes mais à mes yeux de citoyen une PPL gagée est une PPL qui peut être débattue. Exception à ce principe, on ne gage pas les dépenses pour recouvrer une taxe par les recettes espérées de ladite taxe, ce que certains députés ont oublié.
Donc à mes yeux cette polémique autour de l’article 40 n’avait pas lieu d’être. Tout au plus le gouvernement peut-il jouer au mauvais perdant et décider contre tout usage de ne pas lever le gage ! Ce qui en cas de politique fiction consistant à imaginer cette PPL LIOT votée et promulguée, mettrait sur le prix du tabac une taxe que l’on peut estimer à plusieurs centaines de pourcents. Mais c’est là de la fiction et revenons au texte.
Le piège pour la majorité et pour le gouvernement c’est le vote. Car quand bien même cette PPL n’irait pas au bout de son parcours législatif un seul vote favorable suffit et le PLFRSS est dépeuplé oserais-je dire. Rappelons que ce premier vote n’emporte rien si ce n’est sa transmission d’office au Sénat qui peut mettre ce texte dans un tiroir et l’oublier pour longtemps. Et quand bien même il serait examiné, le Sénat – dont la composition est majoritairement à droite – amputerait ce texte de son article 1. Bref, tout ça pour dire que – victime de la navette – les chances d’une PPL d’un groupe ne se revendiquant pas de la majorité gouvernementale n’a aucune chance d’être adoptée***.
Ce serait un séisme politique pour ce gouvernement si jamais la PPL du groupe LIOT recevait – même une seule fois – un vote favorable d’une chambre. Voilà pourquoi la polémique autour de l’article 40 a pris de l’ampleur. Le gouvernement ne veut pas que ce texte soit voté.
Nous arrivons donc à l’examen du texte par la commission des affaires sociales. Comme annoncé par certains médias le gouvernement avait enfin trouvé la bonne parade : faire voter en commission la suppression de l’article 1er pour obliger le groupe LIOT a le redéposer en séance****. Pourquoi donc ? Parce qu’en séance l’article 40 a plus de force, et ce devait être la présidente de l’assemblée nationale qui devait l’utiliser.
Donc à 9h29 ce 31 mai 2023 nous avons une majorité qui veut voter la suppression de l’article 1er et une opposition qui veut voter le texte. Sauf que tout à coup l’opposition réalise que ce sera peut-être tout le texte qui sera abrogé. En effet si la commission vote la suppression de l’article 1 puis la suppression de l’article 2 alors il n’y a plus rien à voter en séance le 8 juin. Alors l’opposition décide au dernier moment de déposer des milliers d’amendements pour que la commission n’ait pas le temps matériel d’examiner le texte.
En effet le règlement est formel : si un texte n’est pas voté en commission ce n’est pas grave (je schématise), il sera disctuté en séance tel qu’il était présenté en commission.
Et voilà pourquoi l’opposition ne voulait plus voter ce texte après avoir accusé le gouvernement de pas vouloir aller jusqu’au vote de ce texte.
Une vraie partie de poker menteur, n’est-ce pas ?

* Par « majorité » j’entends majorité gouvernementale. Parenthèse pour dire ici que si nous vivons ces instants inédits dans cette législature c’est parce que la majorité gouvernementale ne possède pas la majorité à l’assemlée nationale. C’est donc par raccourci sémantique que je continuerai d’écrire « majorité ».
** Certains opposants en ont même oublié que le journal officiel n’était plus imprimé sur papier depuis maintenant sept ans…
*** Je nuance car c’est tout l’un ou tout l’autre et il est arrivé qu’une PPL de l’opposition soit adoptée. Mais lorsque cela arrive c’est très souvent à l’unanimité des voix, preuve qu’il n’était pas question de débat mais de vote.
**** Ce n’est pas du tout le sujet de ce billet de blog mais j’avoue qu’après des années de suivi des débats à l’assemblée nationale je n’ai toujours pas compris l’apport législatif de l’examen d’un texte en commission. Je persiste à penser que cela fait un doublon inutile avec le débat en séance.

 


 

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Lettre ouverte à M. William Martinet

M. le député,

Comme premier signataire vous avez déposé sur le bureau de l’assemblée nationale une proposition de loi « visant à prendre des mesures d’urgence pour protéger les locataires de la hausse des loyers et des charges ». Permettez-moi de vous interpeller sur l’article 5 qui d’après l’exposé des motifs « vise à abolir les coupures d’énergie et les limitations de puissance de la part des fournisseurs d’énergie ». Plus particulièrement, vous proposez une nouvelle écriture du troisième alinéa de l’article L. 1153 du code de l’action sociale et des familles qui, selon mon interprétation instaure ni plus ni moins qu’une forme de gratuité de la fourniture d’énergie aux ménages.
La formulation actuelle de cet alinéa est la suivante : « Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. Les fournisseurs d’électricité peuvent néanmoins procéder à une réduction de puissance, sauf pour les consommateurs mentionnés à l’article L. 124-1 du code de l’énergie. Un décret définit les modalités d’application du présent alinéa. Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »
Voici votre formulation telle que nous la trouvons dans votre proposition de loi : « Les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. Les fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder à une réduction de puissance ne garantissant pas des conditions convenables d’existence. Un décret définit les modalités d’application du présent alinéa. »
Afin de bien situer mon propos prenons l’exemple d’un ménage qui n’honore plus ses factures liées à la fourniture d’énergie, qu’importe la raison. Aujourd’hui il est possible pour le fournisseur – après avoir épuisé les autres recours – de résilier le contrat en dehors de la période qui cours « du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante ». Mais pour éviter d’en arriver à cette solution radicale il peut « néanmoins procéder à une réduction de puissance ».
Imaginons maintenant que votre article 5 entre en vigueur. Qui aurait obligation de payer ses factures de fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz ? A priori plus personne car en vertu de la nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article L. 1153 du code de l’action sociale et des familles, les fournisseurs d’énergie ne pourront plus « procéder (…) à l’interruption (…) pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz », et ce en tout temps et tout le temps. En outre les « (…) fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder à une réduction de puissance ne garantissant pas des conditions convenables d’existence ». Permettez-moi de souligner ici comme une évidence que lorsqu’un ménage souscrit un contrat d’énergie pour sa résidence principale c’est pour obtenir « des conditions convenables d’existence ». En contrepartie ces mêmes ménages s’engagent à payer pour le service rendu.
Or avec un tel alinéa 3 dans l’article L. 1153 du code de l’action sociale et des familles, ces « conditions convenables d’existence »  ne dépendraient plus du paiement ou du non paiement des factures puisque le fournisseur ne pourra plus « procéder à une réduction de puissance ». Dès lors qui trouverait un intérêt quelconque à continuer de payer ? Où placez-vous dans votre texte la « peur du gendarme » qui incite un ménage – a fortiori aisé – à régulièrement payer ses factures d’énergie ?
Ainsi, face à ces interrogations vous voudrez bien préciser dans le cadre de votre proposition de loi les recours que vous donnez aux fournisseurs d’énergie en cas de « non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz ». Plus globalement, vous voudrez bien expliquer en quoi l’article 5 de votre proposition de loi n’instaure pas la fourniture gratuite d’électricité, de chaleur ou de gaz dans les résidences principales.

Je vous prie d’agréer, M. le député, l’expression de ma très haute considération.

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