Une idée baroque.

L’idée peut paraître saugrenue mais si une partie de l’opposition décidait en conscience de voter le projet de loi de finances de 2024 ? Je l’ai déjà écrit ici-même voter le PLF c’est affirmer soutenir le gouvernement et c’est bien parce qu’il n’y pas 289 députés ou plus prêts à le faire que le gouvernement a recourt au 49§3.
Dès lors de quels outils disposons-nous si nous ne voulons pas revivre ce que nous avons vécu l’an dernier ? Mon idée – baroque au possible – consiste à ce que des députés de l’opposition – peu importe laquelle – s’engagent à voter le budget ; c’est en l’état de la composition politique de l’hémicycle le seul moyen de ne pas passer par le 49§3.
Pourquoi une telle idée ? Tout simplement parce que le 49§3 n’est pas qu’un vote bloqué, il laisse aussi le gouvernement tenir le stylo du PLF de bout en bout. Or l’an dernier certains amendements avaient été votés qui amélioraient le texte initial, sauf que l’usage du 49§3 avait permis au gouvernement de trier dans les amendements ceux qu’il agréait et ceux qu’il censurait. Voilà pourquoi je tiens à ce que cette année la discussion et le vote de la loi aient lieu, ce qui est par ailleurs le coeur de métier du député*.
Sans compter que ce PLF mérite que l’on s’y attarde, que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition. Dans le premier cas pour défendre ce budget et en expliquer les lignes, grandes ou petites. Dans le second cas pour forcer le gouvernement à sortir du bois et étaler publiquement sa volonté. Accessoirement le faire plier au travers d’amendements transpartisans qu’il ne pourra plus écarter puisque le débat se terminera par un vote.
Pour les oppositions il ne s’agit pas non plus de trahir son camp et il y a moyen de passer le message que ce n’est pas le cas. Par exemple en décrétant d’un tirage au sort pour déterminer qui votera « oui », voire annoncer une liste réunissant – oh comble ! – les plus farouches opposants à l’actuelle majorité. Personne ne pourra les accuser de double-jeu.
Finalement, au-delà de son utopie il n’y a qu’un inconvénient à mon idée : Elle vise d’abord et avant tout l’intérêt général et non pas le calcul politique. Je ne suis pas naïf, je vois bien que l’opposition a en fait tout autant besoin du 49§3 que le gouvernement. Les premiers pour mieux pouvoir crier au déni de démocratie, les seconds pour avoir la certitude d’un budget taillé à leur mesure. Appliquée, mon idée dérangerait les deux camps à la fois…

Voyez ci-dessous la liste des articles du PLF qui à mes yeux mériteraient un débat qui pourtant n’aura pas lieu.

  • L’article 3, qui crée un plan d’épargne « avenir climat » réservé aux moins de 21 ans tout en fermant aux mineurs la possibilité d’ouvrir un plan d’épargne retraite.
  • L’article 4, qui crée une « imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales et des groupes nationaux ». Sans débat impossible de discuter l’un quelconque des 879 alinéas (!) qui compose cet article.
  • L’article 6, qui concerne tout le monde ou presque puisqu’il s’agit de prolonger le PTZ+ et d’étendre les dispositifs «MaPrimeRénov’ » et « MaPrimeAdapt’ ».
  • L’article 8, qui revient sur la si controversée CVAE avec pour cette année un « aménagement de la suppression de la cotisation ».
  • L’article 11, qui « adapte » les tarifs de l’énergie.
  • L’article 12, qui taxe davantage le gazole non routier, autrement dit celui utilisé par les agriculteurs.
  • L’article 14, qui traite du bonus/malus « CO2 » des véhicules neufs.
  • L’article 15, qui instaure une taxe sur les aéroports et les autoroutes pour financer la rénovation des infrastructures ferroviaires.
  • L’article 16, qui réforme les redevances des agences de l’eau sur tout de même 212 alinéas.
  • L’article 19, qui entend lutter contre les fraudes fiscales et autres fraudes à la TVA.
  • L’article 24, qui fixe le montant de la DGF, ce qui n’est pas neutre.

Alors oui, en utilisant le 49§3 le gouvernement nous prive de débat sur ces articles et sur les autres. Mais en décidant de ne pas voter le budget les oppositions se privent de la possibilité d’y apporter des ajustements, même modestes.

 


*Féminin implicite, comme partout sur ce blog.

 

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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