La pénibilité en questions (et en réponses)

Je vois passer en ce moment le débat (éternel ?) sur la pénibilité au travail, mais alors pourquoi inventer un « compte de pénibilité » ? Pour avoir expérimenté à la fois des emplois pénibles et d’autres qui ne le sont pas du tout – et au risque de paraître démagogique – je pense qu’on a recherché la difficulté alors que pour une fois les choses sont très simples. Je considère pour ma part que c’est l’emploi qu’il faut qualifier de pénible ou pas et non pas le parcours du salarié. Bref, il suffirait de définir ce qu’est un emploi pénible et débattre ensuite des compensations à apporter.
Commençons de suite par les compensations car c’est le plus facile d’après moi : les études statistiques sont formelles, l’écart en espérance de vie à la retraite peut aller jusqu’à 7 ans entre un ouvrier et un cadre. Dès lors la seule forme de compensation à envisager en contrepartie de l’emploi pénible réside dans une bonification sur le départ en retraite. Cette dernière serait à moduler* mais quelqu’un qui aurait passé toute sa carrière dans un emploi à forte pénibilité devrait pouvoir partir en retraite 7 ans (!) avant quelqu’un qui au contraire n’a jamais occupé d’emploi pénible.
Ceci posé, il faut maintenant définir ce qu’est un emploi pénible (ou pas). Idem, la recherche de la simplicité devrait nous imposer trois niveaux : Les emplois très pénibles, les emplois moyennement pénibles et ceux qui ne le sont pas du tout. Quant à la définition de la pénibilité au travail ce sont là aussi trois critères, ni plus ni moins : La station debout, le port de charges lourdes, les horaires décalés.
A partir de là nous pouvons presque dire que tout est fait. Définir la pénibilité zéro ne pose aucun problème : Ce sont tous les emplois où il n’y a ni port de charges lourdes, ni station debout nécessaire, ni horaires décalés. Le bon sens – et la bonne foi – devraient permettre aux partenaires sociaux de facilement identifier ces emplois, qui au passage constituent de loin la grande majorité.
Le plus compliqué je pense serait de définir la catégorie intermédiaire, l’emploi moyennement pénible. Est-ce que le port de charges lourdes sans horaire décalé et sans station debout doit être considéré comme une pénibilité « moyenne » ? Un métier dangereux est-il un nécessairement un métier pénible ? Il y a là matière à débat, je le reconnais bien volontiers même si je penche pour considérer qu’avec un seul de ces deux critères entre horaires décalés et station debout, l’emploi en question doit être considéré comme moyennement pénible.
Par déduction cela implique que je considère que le port régulier de charges lourdes suffit pour qualifier l’emploi d’emploi à forte pénibilité, et ce qu’il y ait horaires décalés ou pas, station debout ou pas.  Pour donner un exemple concret je mets dans cette catégorie les éboueurs, qui ont à la fois les horaires décalés (impossible à nier), la station debout (on ne vide pas les poubelles assis) et le port de charges lourdes (essayez et vous verrez par vous-même).
Vous voyez qu’en quelques lignes le thème de la pénibilité peut se trouver sur de bons rails. En instituant comme seule compensation (lire : sans créer de compensation financière nouvelle pour le salarié) la bonification sur le départ à la retraite** on institue une forme de justice face au travail compréhensible par chacun. Maintenant la volonté est-elle là pour enfin solder ce sujet ? J’en doute…

* Modulation qui interviendrait dès la première année. La mention de l’emploi pénible devrait obligatoirement être portée sur le certificat de travail, et bien entendu mentionnée dans les « petites annonces ».
** Avec la dernière loi l’âge de départ à la retraite est fixé à 62 ans. Ma proposition est donc que quelqu’un qui a travaillé durant toute sa carrière dans un emploi très pénible puisse partir à la retraire à 62 ans – 7 ans soit 55 ans. 

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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