Interrogations autour d’une proposition de loi.

Premier signataire, le député du groupe LFI Louis Boyard a déposé une proposition de loi « visant à instaurer une allocation d’autonomie pour les jeunes en formation ». Las, elle est en l’état inconstitutionnelle ; c’est ce que je me propose de démontrer ici.
Regardons d’abord l’objectif de cette proposition de loi. Il s’agit pour les signataires de mettre en place « une garantie d’autonomie pour les jeunes fixée au-dessus du seuil de pauvreté. ». J’espère ne rien vous apprendre en vous disant que le seuil de pauvreté est d’abord un indicateur qui varie de manière purement mathématique puisqu’il représente 40% du niveau de vie médian. Le traiter comme une somme d’argent à l’image par exemple du taux horaire du SMIC traduit une méconnaissance de sa définition en ce qu’il laisse croire que ramener les revenus sous le seuil de pauvreté à ce niveau éradique la pauvreté, alors que cela ne fait que déplacer le niveau de ce seuil. Voilà pourquoi lire dans l’exposé des motifs que, « Grâce à la garantie d’autonomie, les jeunes entre 18 et 25 ans inscrits dans une formation ne seront plus privés de leur dignité pour vivre : leur revenu mensuel sera complété pour atteindre le seuil de pauvreté (…) » est trompeur. Avec le montant alloué ces jeunes resteront quand même sous le seuil de pauvreté, car ce dernier aura progressé en proportion, du fait de l’application de cette loi.
L’autre reproche que nous pouvons faire en lisant l’exposé des motifs est qu’il ne précise pas – même de manière large – le nombre de personnes concernées par cette « garantie d’autonomie ». Tout juste apprend t-on que « 626 723 lycéens professionnels » pourront aussi bénéficier de ce dispositif. Il faut chercher soi-même le nombre d’étudiants concernés par cette proposition de loi. Pour ma part j’ai trouvé le chiffre de 1 630 000, que je vais retenir faute de mieux. C’est donc environ 2 200 000 jeunes qui pourront prétendre à cette nouvelle aide. Autre manque et non des moindres, le budget annuel à mobiliser. L’exposé des motifs est absolument muet sur ce point alors que cela reste une donnée à connaître, quand bien même son financement est prévu et assuré par l’article 2 que nous verrons plus loin. Nous devons là aussi faire le calcul nous-même : 2 200 000 jeunes fois 1 102 Euros fois 12 mois font 29 milliards d’euros par an. Convenez que c’est une somme conséquente puisqu’elle représente quasiment deux fois le budget consacré au RSA (qui était de 15 milliards d’euros en 2019).
Il faut à présent lire les deux articles de la proposition de loi pour regarder de plus près le mécanisme proposé. L’article 1 n’appelle pas de remarque particulière si ce n’est que l’alinéa 3 ne parle que de « lycée professionnel ou (…) lycée professionnel agricole » quand l’alinéa 7 demande au Conseil d’état de préciser dans son futur décret comment un élève « scolarisé dans un lycée technologique ou général* peut percevoir cette aide ». Cette confusion dans les termes au sein du même article ne permet déjà plus de dire à l’avance quel lycéen est concerné et quel autre ne l’est pas.
Peu importe en fait car l’article 2 qui suit est tout bonnement inconstitutionnel, rien de moins. Je précise déjà que cela n’a rien à voir avec le volet politique de la mesure. Seulement, cette proposition de loi ainsi écrite ne peut pas être adoptée telle quelle, y compris en cas de vote favorable à l’assemblée nationale. Ceci parce que l’article 2 ne respecte pas les éléments fondamentaux du guide légistique.
Le plus surprenant est qu’il suffit pour s’en convaincre de lire une autre proposition de loi de l’intergroupe NUPES, loi dont Louis Boyard est cosignataire. C’est la proposition de loi « portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises », présentée comme étant la loi sur les superprofits. Proposée en application de l’article 11 de la constitution** elle est constituée d’un unique article. Si j’en parle ici c’est que l’article 2 de la proposition de loi sur la garantie d’autonomie des jeunes n’est rien d’autre qu’un mauvais « copié-collé » de l’article 1 de la proposition de loi sur les superprofits. Il me faut détailler les alinéas concernés pour en apporter la preuve.
Lisons d’abord l’alinéa 4 de la proposition de loi « portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises » : « Art. 224. – I. – A. – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros. ». Que dit maintenant l’alinéa 1 de l’article 2 de la proposition de loi « visant à instaurer une allocation d’autonomie pour les jeunes en formation » ? Il dit ceci : « I. – Il est institué une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros ».
Avec une telle rédaction l’alinéa « collé » est inconstitutionnel quand l’alinéa « copié », lui, ne l’est pas. Pourquoi donc ? Parce qu’il est fait dans le second cas explicitement référence au code où cet alinéa doit s’insérer. Il est « Après la section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts » , dans  « une section 0I bis » créée pour l’occasion. Rien de tout cela n’est écrit dans le « collé », ce qui le rend de facto inconstitutionnel. Pour discuter valablement de cet alinéa il faudrait commencer par le rédiger à l’image de celui sur les superprofits, à savoir : « Art. 224. – I. – A. – Il est institué une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public  autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros. ». Les signataires ne peuvent pas feindre de l’ignorer puisqu’ils ont su ajouter deux articles au code de l’éducation avec l’article 1 de leur proposition de loi. Tant que l’article 2 ne sera pas correctement numéroté il restera inconstitutionnel. Pourquoi cela n’a t-il pas été écrit ainsi pourriez-vous vous demander ? Pour une raison toute simple : parce qu’autrement ces deux textes de lois s’excluraient mutuellement s’il venaient à coexister ! Le potentiel article 224 ne peut pas servir deux fois, une fois comme taxation des superprofits et une autre fois pour financer la garantie d’autonomie. Obnubilé par les « superprofits » des grandes entreprises, l’intergroupe NUPES imagine déjà comment redistribuer le produit de cette taxe. Mais il faut faire un choix : soit alimenter le budget général, soit le flécher en direction des jeunes. En ne choisissant pas entre les deux, l’intergroupe NUPES cherche à masquer qu’il utilise un même financement pour deux causes différentes.
Je veux tout de même poursuivre l’analyse de cet article 2 car il comporte d’autres incohérences que je ne veux pas passer sous silence. Voyez l’alinéa 2 : « Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable. ». Passons sur le taux sinon confiscatoire du moins très élevé ;  arrêtons-nous plutôt sur le mot « exceptionnel ». Lisez et relisez, jamais nulle part vous ne trouverez une quelconque borne dans le temps. Louis Boyard et ses cosignataires utilisent le mot mais c’est tout. En réalité cet alinéa est – là encore – un mauvais « copié-collé » de l’alinéa 5 de la proposition de loi sur les superprofits, qui dit que « La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019. » Ici l’exceptionnel n’existe pas, il s’agit d’une contribution « additionnelle » qui n’a pas vocation à durer dans le temps puisque « les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. », c’est l’alinéa 15 qui le précise. Dans le cas de la proposition de loi sur la garantie d’autonomie des jeunes il est question d’une nouvelle taxation des entreprises sans aucun bornage dans le temps ni même de proportion avec les résultats des années précédentes. Le « 25% du résultat imposable » l’est chaque année quelle que soit la valeur de ce résultat. Tout juste peut-on noter que – contrairement à la proposition de loi sur les superprofits – seuls quelques secteurs économiques sont concernés et non pas l’ensemble des entreprises. Dans tous les cas il faudrait donc amender cet alinéa 2 pour qu’il devienne simplement « Cette contribution est égale à 25 % du résultat imposable. », point.
Poursuivons. Les alinéas 3, 4 et 5 reprennent au mot près les alinéas 10, 11 et 12 de la proposition de loi sur les superprofits. Par contre l’alinéa 13 n’est pas du tout « collé ». Etrange, non ? Non. Lisons-le ensemble pour comprendre : « Sont exonérées de la contribution prévue au I du présent article, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné. » Il est assez baroque de découvrir que dans une proposition de loi de l’intergroupe NUPES taxant les superprofits des entreprises il est quand même prévu une exemption, même modique (« (…) pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné »). Il est encore plus savoureux de découvrir que cette exemption n’est pas reprise dans une autre proposition de loi de ce même intergroupe NUPES qui pourtant reprend l’intégralité des autres dispositions.
La lecture comparée des deux textes permet également de découvrir que l’alinéa 14 de la proposition de loi sur les superprofits est scindée en deux alinéas dans la proposition de loi sur la garantie d’autonomie des jeunes. En mathématique cela donne alinéa 6 + alinéa 7 = alinéa 14. Il reste toutefois à comprendre le pourquoi d’un tel découpage.
L’alinéa 8 interroge aussi. D’une part parce qu’il est ex-nihilo – lire qu’il n’est pas « collé » depuis l’autre texte – et d’autre part parce qu’il tord les articles 1727 et 1731 du code général des impôts. Le premier dit que « Le taux de l’intérêt de retard est de 0,20 % par mois. Il s’applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. » ; le second que « Donne lieu à l’application d’une majoration de 5 % tout retard dans le paiement des sommes qui doivent être versées aux comptables de l’administration fiscale (…) ». Tout cela est balayé par l’alinéa 8 en question afin de fixer « la majoration (…) à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur. », disposition contestable au possible auprès des juges constitutionnels en ce qu’il ne concerne pas une modification du taux de majoration mais du mode de calcul tout entier.
Comme souvent il faut garder le meilleur pour la fin et la proposition de loi « visant à instaurer une allocation d’autonomie pour les jeunes en formation » ne déroge pas à ce principe. Ce sont les alinéas 9 et 10 qui jouent ce rôle. Le premier des deux prévoit que « La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. » Traduit en langage clair cela signifie que l’entreprise devra payer des impôts sur la contribution nécessaire pour financer la garantie d’autonomie des jeunes, ce qui est – cela va de soi – inconstitutionnel. En effet selon l’alinéa 2, « Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable ». Il faut donc que le fisc calcule en premier lieu le montant du résultat imposable pour lui appliquer ensuite le taux de 25% qui décide du montant de la contribution exceptionnelle. Mais avec cet alinéa 9, « La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. ». Si l’assiette qui permet de calculer l’impôt contient déjà un impôt c’est donc que l’on paye des impôts sur l’impôt. Drôle de principe.
Cerise sur le gâteau, l’alinéa 10 est tout aussi inconstitutionnel. Il prévoit que « La charge pour l’État résultant de la présente proposition de loi est compensée, à due concurrence, par le produit de la contribution exceptionnelle mentionnée au I », autrement dit mentionné à l’alinéa 1 du texte présenté. Lorsque le législateur rédige la loi et que cette dernière implique une charge pour l’état, elle doit être gagée. C’est très habituellement par une surtaxe sur les tabacs et la plupart des députés qui déposent des propositions de loi y recourent. Mais Louis Boyard et les signataires n’ont pas voulu « faire comme les autres » et au lieu d’une augmentation du prix du tabac (La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services) ils se sont dit que, quitte à taxer les entreprises autant que cette taxe serve aussi à payer ce que cela coûtera à l’état. Belle attitude mais qui se heurte à notre constitution car non, on ne gage pas une charge pour l’état à partir de la taxe que l’on compte instaurer. Cela ne fonctionne simplement pas comme ça. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que c’est inscrit dans la leçon n°1 sur l’art et la manière de correctement rédiger une proposition de loi*** mais c’est assez tentant tout de même.
Nous venons donc de voir qu’en l’état cette proposition de loi doit subir une profonde réécriture pour être valablement discutée**** à défaut d’être adoptée.

Je souhaite toutefois terminer mon propos en évoquant le volet politique de la mesure, donc en supposant cette proposition de loi correctement rédigée, prête à être votée en quelque sorte. Nous noterons pour commencer que l’écart est bien faible entre une « allocation d’autonomie pour les jeunes en formation » et une allocation pour tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans autre distinction. Car enfin une personne de cette tranche d’âge est soit encore en train d’étudier, soit déjà en emploi. La présente proposition de loi consiste donc en réalité à donner un revenu à chaque jeune qui n’est pas encore dans l’emploi, et ce jusqu’à son 25ème anniversaire. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant en soi puisque c’est là une proposition du programme politique de la France Insoumise. Nous pouvons seulement déplorer que LFI n’ose pas clairement nommer sa garantie en laissant entendre qu’il existerait une contrepartie nécessaire (« les jeunes en formation »).
La mesure – si elle était appliquée – signerait par ailleurs la fin des « jobs étudiants », ce qui est aussi une volonté affirmée du groupe LFI. Souvenons-nous de ce passage présent dans l’exposé des motifs : « Le fait que près d’un étudiant sur deux soit obligé de travailler pour subvenir à ses besoins crée une véritable injustice ». Regardons le cas de deux étudiants imaginaires que nous nommerons par convention Alice et Bob. Alice travaille en dehors de ses études pour un revenu de 800€ par mois. Bob étudie également mais ne touche rien par ailleurs. Arrive alors l’« allocation d’autonomie pour les jeunes en formation ». Que se passe t-il ? Alice reçoit 302 euros au titre de cette allocation et Bob 1 102 euros. Autrement dit nos deux étudiants ont désormais le même revenu alors que ce n’était pas le cas auparavant. Pour Bob c’est « tout bénef’ », l’état venant suppléer au fait qu’il ne travaille pas en dehors de ses études. Pour Alice c’est tout différent au contraire : Elle réalise qu’elle peut à présent quitter son emploi puisque l’état viendra compenser – à 100% ! – sa perte de revenus. En outre Alice n’est même plus intéressée à trouver un travail mieux rémunéré, l’effet de seuil jouant là son rôle pervers. Travailler y heures par mois – en plus des études – pour gagner 1 300 ou 1 400 euros est-il au final plus rentable que gagner 1 102 euros sans du tout travailler en dehors des études ? Chacun tiendra vite un raisonnement semblable et tout porte à croire que la garantie d’autonomie des jeunes sera un beau succès. Succès pour les jeunes certes mais pour l’état ? A priori cela ne doit pas coûter un euro puisque ce sont les entreprises qui de par leur contribution exceptionnelle (sic) financeront la mesure. Je pointe tout de même un déficit de plusieurs milliards.
Revoyons le coût, que j’ai estimé au début de ce billet à 29 milliards d’euros. L’exposé des motifs sur la garantie d’autonomie passant sous silence le montant de la recette attendue je dois trouver ailleurs le chiffre. Je l’ai trouvé là aussi chez LFI ce qui devrait donner crédit à cette recette, sans jeu de mot. Plus précisément à la lecture du rapport de la « Mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels pendant la crise », mission présidée par Manuel Bompard. Dans sa contribution ce dernier estime « un rendement de 9,2 milliards d’euros si l’on ne retient que les entreprises du CAC 40. Il [le rendement] serait supérieur à 10 milliards d’euros s’il était appliqué aux 763 entreprises, tous secteurs confondus, qui ont généré un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. » Et d’ajouter en gras dans le rapport : « Sur l’année 2022, au vu des premiers éléments économiques dont nous disposons, le rendement pourrait atteindre 20 milliards d’euros. ». Le déficit de financement sera donc de 9 milliards d’euros, ce qui nécessitera de taxer encore plus les entreprises ou de prendre au budget général la différence. En plus d’être démagogique au possible la mesure est en outre mal financée avant même son application.

Mais je ne veux pas conclure en n’ayant que critiqué la mesure, il me faut également en proposer une autre. A mes yeux la solution réside dans l’instauration d’un revenu universel mais je doute que cette proposition plaise au groupe LFI, précisément à cause de son caractère universel ; il concernerait pourtant les jeunes de 18 à 25 ans dont il a été question ici. Le débat est lancé.


* Souligné par moi.
** Proposition rejetée par le conseil constitutionnel pendant la rédaction de ce billet de blog.
***Je crois savoir qu’en outre toute nouvelle recette fiscale ne peut être votée qu’au détour d’un PLF ou d’un PLFR. Si cela s’avérait exact toute mon argumentation serait chapeautée par cette inconstitionnalité de fait.

**** Il est prévu que cette proposition de loi soit discutée en séance le 24 Novembre 2022.

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Une surprise qui n’en est pas une.

Comme annoncé depuis quelques jours déjà le gouvernement a décidé d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la constitution à propos du projet de loi de finances et du projet de loi de finances de la sécurité sociale. C’est une surprise dans la mesure où le 49.3 n’a plus été invoqué depuis des lustres. Par contre ce n’est pas une surprise dès lors que l’on se penche sur la composition de l’assemblée nationale.
Commençons par énoncer quelques chiffres : Il y a 577 députés* élus ce qui place la majorité absolue à 289 voix. Depuis les élections législatives de Juin 2022 le gouvernement ne peut s’appuyer que sur une majorité relative ; autrement dit aucun texte ne peut passer de force, entendez avec les seules voix de sa majorité. Il faut un appui direct (vote « pour ») ou indirect (abstention) d’autres groupes pour qu’un texte de loi soit adopté.
Or, les cas des projets de loi de finances et des projets de loi de finances de la sécurité sociale sont différents. En effet ces textes sont des marqueurs politiques puisque voter pour ou contre indique clairement le soutien ou l’opposition au gouvernement**. Voyez les groupes LIOT et LR qui ont annoncé dès le début de l’examen du projet de loi de finance qu’ils voteraient contre ce texte. C’est à mes yeux le déclencheur du 49.3. Pour cela prenons notre calculatrice : l’intergroupe NUPES est composé de 151 députés. Ajoutons les 89 députés du groupe RN et nous arrivons déjà à 240. Prenons ensuite les 20 députés LIOT et les 62 du groupe LR et nous arrivons à 322, soit bien plus que les 289 de la majorité absolue.
Rappelons ici que s’abstenir sur un PLF revient à voter « pour», il n’y a pas de nuance possible. Seul le « oui » compte dans ce vote et ce « oui » est mathématiquement en minorité sur les PLF et autres PLFSS, d’où le recours à la constitution. Ce qui me surprend quelque peu c’est de voir que ce 49.3 est vécu comme une surprise, comme inattendu. Pour l’opposition c’est au mieux un aveu de faiblesse, au pire un « déni de démocratie »***. Pour tout autre observateur de la vie politique c’était inéluctable, tout simplement parce que nous venons de voir que – de part le résultat des urnes – le PLF n’avait aucune chance d’être adopté.
Le gouvernement ne pouvant s’appuyer que sur 251 députés, il lui manquait donc 38 voix pour arriver aux 289 fatidiques. Où pouvait-il les trouver ? Le groupe d’opposition le plus proche politiquement est le groupe LIOT. Ils ne sont que 20 ce qui en admettant qu’ils votent le PLF ne ferait qu’un total de 271. Cela reste trop court, sans compter avec la règle d’airain qui dit que voter un PLF c’est affirmer être dans le camp du gouvernement. Autre option, débaucher 38 députés entre les groupes LIOT et LR. Peut-être cela a t-il été tenté en coulisse, toujours est-il que cela resterait bien hasardeux. Victime d’une chambre hétérogène, ne disposant pas d’une majorité absolue, le gouvernement n’avait pas d’autre choix que d’utiliser le 49.3 pour faire passer ces textes emblématiques.
Regardons maintenant le coté face, la motion de censure. Les règles sont légèrement différentes puisqu’il faut impérativement 289 voix pour voir la motion adoptée. Deux motions ont été déposé sur ce PLF et sans doute deux autres le seront sur le PLFSS. Regardons d’abord celle du groupe LFI. Elle aura l’appui de tout l’intergroupe NUPES ce qui représente 151 « oui ». Mais ensuite ? Si nous nous plaçons un instant sur un terrain politique et non plus mathématique, force est de constater que l’intergroupe NUPES en général et le groupe LFI en particulier ne font aucun effort pour trouver des voix au-delà de leur propre camp. Leur motion de censure n’est qu’un réquisitoire contre l’actuel gouvernement, sans doute trop empreint de radicalité pour rassembler d’autres députés. Nous verrons au moment du débat mais je peux déjà affirmer que l’orateur du groupe LFI n’aura pas un mot pour demander aux députés n’appartenant pas à l’intergroupe NUPES de voter « oui ». Tout le discours sera pour dire combien l’actuel gouvernement gère mal le pays.
J’ajoute que le chiffre de 151 fait en quelque sorte office de scrutin public. Chaque « oui » au-delà viendra forcément d’un député d’un autre groupe. C’est pourquoi j’estime que la motion de censure du groupe LFI ne recueillera que 151 votes au maximum.
Celle déposée par le RN est par contre bien plus politique. Le groupe de Marine le Pen joue à fond le jeu constitutionnel et sa motion de censure vise véritablement à censurer le gouvernement. Il suffit pour cela de faire une courte expérience de pensée. Imaginons qu’un député de l’intergroupe NUPES lise cette motion sans pouvoir en deviner l’auteur. Paragraphe après paragraphe il ne pourra qu’être d’accord avec le contenu de cette motion****. Ce n’est que la signature qui va l’empêcher de voter « oui » et non la motion en elle-même. C’est à la fois subtil et dangereux. Subtil car le groupe RN joue mieux l’épisode motion de censure que le groupe LFI. Tout porte à croire que l’orateur du groupe RN va concentrer son propos sur les autres groupes d’opposition et tenter de les convaincre de voter sa motion.
C’est aussi dangereux car cela obligera l’intergroupe NUPES à justifier de son non-vote « oui » sur le seul nom du groupe qui aura déposé la motion de censure.  Autrement dit LFI appelle à voter sa motion de censure car le gouvernement est disqualifié et doit tomber, tandis qu’il est hors de question de voter la motion du groupe RN qui poursuit pourtant le même but. Ici les ennemis de mes ennemis ne sont pas mes amis. Et quand bien même mon raisonnement serait faux, 89 votes du groupe RN + 151 votes de l’intergroupe NUPES ne font que 240. Comme le groupe LR a déjà annoncé qu’il ne voterait aucune motion de censure – pas plus que le groupe LIOT – il n’y a pas de suspens. Je ne vais pas non plus m’étendre sur les motions de censure du PLFSS qui ne seront que les décalques de ceux qui seront examinés suite au 49.3 du PLF.

Mon dernier mot sera pour le gouvernement. Pouvait-il faire autrement ? Les oppositions crient « oui !», s’appuyant en cela sur les amendements au texte initial, parfois voté contre l’avis du gouvernement. Hélas un amendement ne fait pas une loi oserais-je dire. Voter pour un amendement ne signifie pas voter ensuite pour l’article et voter pour un article ne signifie pas voter ensuite pour le texte.  Les alliances de circonstances le sont véritablement, au gré des débats et des amendements. C’est en tout cas mon analyse, tirée des nombreuses heures que j’ai passé à regarder les députés discuter le PLF. Ma critique porterait plutôt sur le timing. Comme beaucoup nous découvrons ici une zone grise dans l’interprétation de l’alinéa 3 de l’article 49 de la constitution. Peu l’ont compris mais le gouvernement n’engage sa responsabilité que sur le volet « recettes » du PLF. Il y aura donc débat en séance sur le volet « dépenses », avec sans doute là aussi le même scénario que celui que nous vivons en ce moment. Le constituant serait par conséquent bien inspiré de préciser le moment exact où le 49.3 devrait être invoqué. La logique commanderait que ce soit au dernier moment, juste avant le vote solennel. Mais conserver cet entre-deux, ce 49.3 au milieu du gué ne devrait plaire à personne, que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition. D’une part parce que c’est le gouvernement qui dès lors tient le stylo et décide seul du texte final alors que c’est – d’après cette même constitution – au député d’écrire la loi, et d’autre part à cause de la « perte de chance » que représente le couperet du 49.3 en plein débat. Chacun en convient, certains amendements retenus (pas tous mais certains) sont salués comme des avancées par rapport au texte initial. Dès lors il n’est pas interdit d’imaginer que si les débats avaient été à leur terme d’autres amendements auraient enrichi ce PLF. Cette occasion est manquée.

Le gouvernement le sait, les députés le savent, ces motions de censures ne seront pas adoptées, pas plus que les prochaines. Mais si rien ne change d’ici là nous vivrons dans un an les mêmes scènes ; cela aussi chacun le sait, le président de la république le premier.


 * Féminin implicite comme partout sur ce blog.
** Par extension je pourrais dire « opposition au président de la république » mais comme ici il est question du pouvoir législatif et de l’article 49 je continuerai de dire « gouvernement » quand bien même il faudrait lire « gouvernement et président de la république ».
*** Lu dans la motion de censure déposée par le groupe LFI.
**** L’exercice ne fonctionne pas dans l’autre sens.

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A quelques voix près

Jean-Luc Mélenchon l’a affirmé en conférence de presse, il a manqué 1,5% de voix à l’intergroupe Nupes pour obtenir la « majorité absolue » à l’assemblée nationale. Vérifions.
Il lui fallait 138 sièges de plus pour arriver à 289 députés et être majoritaire à l’assemblée nationale. Sur les 375 candidats présents au second tour, 248 ont été battus. Pour arriver à la majorité tant espérée il a manqué aux 138 meilleurs perdants 347 881 voix. Puisqu’au total Nupes a rassemblé sur son nom 6 556 229 votes le différentiel est de 5,3% et non pas de 1,5%.
Il faut néanmoins ajouter des votes additionnels puisque se contenter du calcul brut reviendrait à dire que chacun des 138 candidats n’aurait gagné que d’une voix. Notons aussi que lorsqu’un candidat Nupes s’impose c’est en moyenne avec 4 063 voix d’avance*. Ne retenons ici que la moitié : 2 000 votes d’avance pour 138 candidats c’est 276 000 voix supplémentaires à prendre en compte. Il n’a donc pas manqué 347 881 voix à l’intergroupe Nupes mais 623 881 voix (et même près de 900 000 si je tiens absolument à respecter la moyenne des 4 000 voix d’avance ). Voilà pour la partie Nupes.
Faisons maintenant le même exercice, mais pour la majorité présidentielle. Avec déjà 250 élus la marche est moins haute pour arriver à 289. Il a manqué ici 107 892 voix en chiffres bruts. Comme les députés de la majorité ont été élu avec en moyenne 3 200 voix d’avance je dois par cohérence avec le calcul précédent ajouter 49 x 1 600 = 78 400 voix. J’arrive donc à 186 292 soit en gros deux tiers de voix en moins que ce qui aurait été nécessaire à l’intergroupe Nupes.
Donc si peu qu’il a manqué à Jean-Luc Mélenchon pour devenir premier ministre c’est encore trop peu de deux tiers si l’on compare avec ce qui a manqué à la majorité.


* Caroline Fiat est députée pour 148 voix quand André Chassaigne est député pour 17 333 voix.

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NUPES : Demandez le programme.

Après de longues journées de tractations la France Insoumise, le parti socialiste et EELV se sont mis d’accord autour d’une plateforme commune de propositions en vue des prochaines élections législatives. Nous sommes certes loin de la majorité plurielle de Lionel Jospin ou du programme commun de Mitterrand et Marchais mais au moins la gauche avance t-elle officiellement unie, avec l’objectif d’obtenir plus de 289 députés à l’assemblée nationale. Je veux ici critiquer le communiqué publié par LFI, tant sur le fond que sur la forme.

Si au point 1) LFI et ses alliés annoncent faire barrage à Emmanuel Macron je veux corriger la manière dont est présentée la possible réforme du RSA. C’est la droite dure et elle seule qui veut l’échanger contre du temps de travail, ce que j’ai déjà dénoncé sur ce blog. Le président de la république souhaite seulement remettre à l’honneur le « A » de RSA en faisant en sorte que le bénéficiaire soit actif, par exemple en s’engageant à suivre une formation. Il n’a jamais été question à aucun moment d’emploi obligatoire mais la France Insoumise préfère l’insinuer, bataille politique oblige.
Revenons maintenant au texte. Cette alliance – a priori contre nature – s’est constituée en vue d’ouvrir « la voie à une majorité à l’Assemblée nationale ». Et le communiqué de poursuivre : « Dans cette perspective, conformément à la tradition républicaine, le Premier ministre serait issu du plus grand groupe à l’Assemblée, soit Jean-Luc Mélenchon. »
Que cette phrase est mal écrite ! Mon sentiment est qu’il fallait à tout prix caser le nom de Jean-Luc Mélenchon et associer élection législative et « élection » du premier ministre. Quant à la « tradition républicaine » elle n’existe que pour LFI. Les institutions de la Vème république sont ainsi faites que l’exécutif se doit d’être du même bord politique que la majorité parlementaire. C’est donc une « obligation constitutionnelle », nuance de taille.

J’aurais donné à cette phrase une tournure plus consensuelle et par conséquent moins insoumise. Par exemple, « Puisque le premier ministre sera issu du plus grand groupe élu à l’Assemblée, nous avons convenu de proposer Jean-Luc Mélenchon si jamais nous avions la majorité »

Au point 2) est annoncé la création de la « Nouvelle union populaire écologique et sociale ». Il s’agit de construire « un parlement de campagne rassemblant les forces politiques et des personnalités du monde syndical, associatif, culturel, intellectuel ». J’aime cette énumération qui – nous pouvons parier – ne sert à rien. Ne prenez pas cela pour une attaque directe et gratuite contre LFI puisque chaque parti politique s’engage à cela, mais la loi non-écrite du jeu électoral fera qu’à la fin nous ne trouverons que des députés « rassemblant les forces politiques » de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Les « personnalités du monde syndical, associatif, culturel, intellectuel » devront se contenter du statut de candidat. Aux premiers les circonscriptions gagnables, aux autres les candidatures de témoignage.
Le gros du communiqué réside toutefois dans le point 3) qui énumère le programme politique de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Je propose de passer en revue celles qui ont retenues mon attention.

« La revalorisation du SMIC à 1 400 euros nets et l’organisation d’une conférence sociale sur les salaires, la formation, les conditions de travail et les retraites »
L’organisation de quelque conférence que ce soit ne peut être que l’apanage du gouvernement et pas des députés. C’est peut-être technique mais j’estime qu’il a été rédigé à dessein afin de perpétuer la confusion autour de l’élection législative (« élisez-moi premier ministre ! »).

« La création d’une allocation d’autonomie jeunesse et une garantie dignité »
Anne Hidalgo avait proposé une mesure équivalente dans son programme présidentiel. Ce qu’il y a de « gauche » en moi me pousserait plutôt à explorer la piste du revenu universel sans doute à cause de son coté universel justement, autrement dit sans conditions de ressources ou d’âge.

« Le droit à la retraite à 60 ans pour toutes et tous avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles »
Je signale à LFI et à ses alliés qu’il est déjà possible de partir à la retraite à taux plein à 60 ans, grâce au dispositif « carrière longue ». Si donc la Nouvelle union populaire écologique et sociale veut porter « une attention particulière pour les carrières longues », ça ne pourra être qu’en la rendant plus courte que ce qu’elle n’est aujourd’hui… Pour ce qui est des métiers pénibles je reste sur mes positions car je persiste à penser que c’est la seule voie qui puisse permettre de parvenir à un large consensus.

« Le blocage des prix des produits de 1ère nécessité »
Les plus anciens auront connu l’époque où c’était le gouvernement qui fixait le prix du pain. Si je suis conscient comme tout le monde des difficultés présentes je ne suis pas convaincu que le blocage des prix soit « la » solution, sauf à supposer que les fabricants et les distributeurs profitent de la situation actuelle pour augmenter leurs marges et par conséquent leurs bénéfices, auquel cas la hausse que nous constatons ne serait en fait qu’artificielle.

« (…) la lutte contre l’ubérisation du travail avec la présomption de salariat pour les travailleuses et travailleurs des plateformes »
C’est la mesure avec laquelle je suis le plus susceptible d’être d’accord, tout simplement parce que cette nouvelle manière de travailler est au minimum une optimisation sociale du travail. J’ajoute qu’il y a toutes les chances pour que ce type d’emploi devienne majoritaire à l’avenir, ce qui explique pourquoi il faudrait se pencher sur ce dossier sans plus attendre.

« L’affirmation d’un impératif de justice écologique, qui se décline à travers une démarche de planification, pilotée par de nouveaux indicateurs de progrès humain ainsi que la règle verte »
Que seront les « nouveaux indicateurs de progrès humain » ? Est-ce à dire que LFI et ses alliés prônent la décroissance ? J’ai le sentiment que oui. Quant à la « règle verte » j’avoue que c’est la première fois que je rencontre cette expression.

« La fin de la monarchie présidentielle avec la 6ème République et le référendum d’initiative citoyenne, et un nouveau rôle pour les collectivités locales et les mouvements sociaux, syndicaux et associatifs. »
Il y a beaucoup à dire avec ce point. La mise en place d’une VIème République (notez l’absence – volontaire ! – du chiffre romain dans le communiqué) aurait donc été approuvée par le PS et EELV ? Tout le monde sait pourtant que c’est une demande exclusive de LFI, qui n’a jusqu’à présent jamais été reprise par aucun autre parti. J’ajoute qu’en outre ce ne peut être qu’une proposition présidentielle puisqu’elle nécessitera au mieux une réforme constitutionnelle et au pire un referendum, referendum qui ne peut être qu’à l’initiative du président de la république et non pas du seul premier ministre et encore moins de l’assemblée nationale.
J’ai aussi déjà expliqué ici ma réticence à la mise en place du « référendum d’initiative citoyenne » car ce n’est à mes yeux qu’une illusion démocratique. Enfin je suis inquiet de savoir ce qu’entend LFI avec ce « nouveau rôle » que devraient jouer « les mouvements sociaux ». Suffirait-il donc de revendiquer pour obtenir ? Dit tel quel je ne peux pas déduire autre chose que cela.

« L’imposition de l’égalité salariale, consacrer 1 milliard d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes, allonger la durée du congé parental, et en particulier du congé paternité »
Ce sont là deux mesures qui étaient dans le programme présidentiel d’Anne Hidalgo. Sur la lutte contre les violences faites au femmes cela revient à en multiplier le budget par 20. Quant au congé paternité je rappelle que la candidate socialiste souhaitait l’imposer et pas seulement le proposer.

« La mise en place d’une fiscalité plus juste avec notamment le rétablissement de l’ISF et l’abrogation de la flat tax »
Une fiscalité plus juste consisterait plutôt à revenir au texte de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen («Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés»). Puisque tous les citoyens bénéficient des équipements publics il est logique que tous y contribuent selon ses moyens, ce qui veut dire que lorsque l’on est « très riche » on y contribue « beaucoup ».

« La défense de la République laïque et universaliste, la protection de la liberté de conscience et d’expression, une action résolue contre le racisme, l’antisémitisme et toute forme de discrimination et le combat contre les communautarismes et l’usage politique des religions »
Voici la mesure qui m’inquiète le plus car elle contient dans la même phrase ce qu’on pourrait appeler des injonctions contradictoires. LFI et ses alliés veulent combattre « les communautarismes et l’usage politique des religions ». Il n’y aurait rien à redire sauf qu’il est écrit l’inverse dans le début de la phrase, du moins est-ce comme cela que je l’interprète. En effet la Nouvelle union populaire écologique et sociale souhaite protéger « la liberté de conscience et d’expression » tout en défendant une « République laïque ». Les demandes communautaristes le sont précisément au nom de la liberté de conscience. Pour citer un cas concret je n’ai jamais entendu aucun élu LFI expliquer que la mise en place d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines municipales est inenvisageable parce qu’elle reviendrait à reconnaître un « usage politique des religions ». Je ne peux pas en dire autant de certains élus EELV qui eux militent pour la mise en place d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines municipales. Je veux terminer la discussion de ce point en précisant que pour moi la République laïque consiste à ne reconnaître aucune religion. La laïcité protège la liberté de culte mais pas la liberté de conscience, tout simplement parce qu’elle est déjà protégée par l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen («Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »). Mais sans doute LFI entretient-il exprès la confusion entre laïcité et liberté de conscience.

« L’adoption d’un bouclier logement afin de limiter la part des revenus consacrée à se loger, notamment par l’encadrement des loyers à la baisse sur tout le territoire et la production de logements sociaux »
Le bouclier logement était un point important du programme électoral d’Anne Hidalgo. Je suis opposé à cette mesure parce qu’elle n’est rien d’autre que de l’assistanat. Dans la pratique il s’agirait de permettre aux ménages modestes de pouvoir entrer dans un logement dont le loyer représenterait plus de 30% de leur budget, le « bouclier » venant compléter la différence. Ainsi un ménage gagnant deux fois le SMIC et qui voudrait s’installer dans un logement dont le loyer est de deux fois le SMIC pourrait l’occuper tout en ne payant que 30% de ses revenus. Où placer la limite supérieure ? Comment combattre l’effet de seuil ? Les implications concrètes rendent ce dispositif tout simplement impossible à mettre en place.

« 1% du PIB dédié à la culture, des budgets alloués sur cinq ans, sur tout le territoire national, afin de donner une nouvelle ambition aux politiques culturelles »
C’est la mesure qui me fait le plus sourire car cette promesse électorale du « 1% pour la culture » date de 1981 et fleure bon l’époque « Jack Lang ». La gauche au pouvoir ne l’a jamais appliqué, ce qui me suffit pour discréditer cette proposition. Pour ce qui est des budgets alloués sur cinq ans je crains qu’ils ne soient anticonstitutionnels car le PLF ne peut décider que du budget de l’année. Il n’est pas possible de voter des crédits sur plus long.

« L’ouverture de nouveaux droits comme celui du droit de choisir sa fin de vie »
Cette phrase me fait peur. Pour ce qui est du « droit de choisir sa fin de vie » il n’y a aucun doute sur les intentions de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, il s’agit pour eux de rendre légal le suicide assisté. Pour les « nouveaux droits » le premier qui me vient à l’esprit est la légalisation de la GPA en France. Si ces deux sujets méritent débats il ne méritent en aucun cas d’être imposés.

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