De qui se moque t-on ?

Parfois l’actualité nous réserve de bien tristes surprises. Tristes parce que sous couvert d’une « bonne » nouvelle c’est en réalité la plus dure des hypocrisies qui se révèle.
L’exemple nous est donné ce coup-ci par le Président de l’AMF, Jean-Pierre Jouyet. Devant la crise des finances publiques, ce dernier annonce : « En ce qui me concerne, mon salaire est comme celui de mon prédécesseur de 300.000 euros par an bruts. Si l’on me demandait, en tant que président d’une autorité publique, de réduire ma rémunération de 20% à 30%, cela me paraîtrait justifié. »
Ce que le Président omet de préciser, c’est que par rapport à son prédécesseur son salaire a fait un bond spectaculaire. Et comme cela est paru au Journal Officiel, Jean-Pierre Jouyet peut difficilement nier qu’il ne savait pas…
Bref, au-delà du double scandale constitué d’une part par la rémunération du Président de l’AMF et par ses récentes déclarations, se trouve en filigrane le bon usage des deniers publics. Que faire ici ? Tout simplement dissoudre l’AMF – non pas parce qu’elle fait mal son travail – mais tout bonnement parce que c’est le seul moyen de refondre sa grille de rémunération. Ensuite suivre une règle limpide, transparente et lisible par tous : à fonction publique doit correspondre un salaire public.

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Bayrou, enfin au centre ?

Un article paru dans Le Monde d’aujourd’hui l’affirme : L’UMP mise sur un « recentrage » de François Bayrou. Je ne vais pas ici étudier le fond du dossier, à savoir si le MoDem ou son Président vont se « recentrer », mais analyser plus en détail un extrait de l’article. Le voici :
« Dans son livre Abus de pouvoir, paru il y a à peine plus d’un an, François Bayrou n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer le « modèle de société bushiste » de Nicolas Sarkozy, son absence de « valeurs » ou les « dérives inégalitaires » qu’il accusait le chef de l’Etat d’entretenir. »

Possédant le livre, je me suis empressé de rechercher les sources de ces expressions, pour voir si elles étaient ou pas sortis de leur contexte. Pour commencer je n’ai vu aucune trace de « modèle de société bushiste« , ça commence bien(1). François Bayrou ne dénonce pas plus « l’absence de valeurs », il dit « Simplement, j’étais en opposition violente avec sa hierarchie de valeurs« (2), en parlant du candidat Sarkozy. Et d’enfoncer le clou : Je l’avais dit pendant ma campagne : « ce qui me sépare de Ségolène Royal, c’est son programme ; ce qui me sépare de Nicolas Sarkozy, ce sont ses valeurs »(3). Dernier essai pour l’auteur de l’article du Monde avec les dérives inégalitaires. Hélas il faut croire qu’il a fait une lecture rapide du livre de François Bayrou car ce n’est pas tout à fait cela qui est écrit. « La crise n’est pas venue par hasard. Elle n’est pas née n’importe où. La crise est le résultat d’une dérive, celle du modèle inégalitaire, dans lequel la plus grande partie du peuple voit ses revenus baisser sur la longue période, tandis que le plus petit nombre s’enivre de millions. La crise naît d’une bulle, et la bulle, ce sont les inégalités » (4).
Vous voyez qu’une fois replacé dans son contexte, c’est plus la crise qui est au banc des accusés que Nicolas Sarkozy.
Alors faut-il également croire au reste de l’article ? Sur l’entrevue entre Nicolas Sarkozy et François Bayrou il n’existe aucun doute, elle a bien eue lieu. Le Président du MoDem l’a rappelé, il ne communique pas sur ces rencontres, le coup est donc parti de l’Elysée, et de l’Elysée seulement. Quant à savoir ce qui s’est dit entre ces deux hommes, c’est là un travail où l’imprécision risque de le disputer à l’imagination.

(1) Le lecteur ou la lectrice qui trouvera le passage voudra bien me communiquer où je peux retrouver l’extrait, et ce afin de mettre à jour ce billet.
(2) Abus de pouvoir, page 38 – Plon 2009
(3) op. cit. page 38
(4) op. cit. page 105

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Dans le Doubs, ne vous abstenez pas…

C’est à un drôle de numéro d’équilibriste que s’est livré Nicolas Sarkozy aujourd’hui lors de son déplacement dans le Doubs. La « Table ronde sur le thème du soutien à l’emploi et à la formation professionnelle » n’est bien entendu qu’un prétexte pour soutenir la liste UMP de cette région. Mais il est intéressant d’analyser comment. D’abord par la nature même du thème, qui est une compétence de la Région, et pas la moindre. Avouez que s’intéresser à quelque chose d’aussi abstrait pour le Français moyen que la formation professionnelle et ses arcanes à cinq jours d’une élection est une coïncidence qui ne doit tromper personne.
Mais si le déplacement ne suffisait pas, il y a le discours. Ecoutez avec moi le Président de la République et jugez s’il joue le rôle qui l’a amené à cette table ronde ou bien s’il joue le rôle de défenseur de son camp politique, en délicatesse avec les sondages.

– « Voter est un devoir civique« . Rien à redire si ce n’est que ce n’est pas assez répété lorsqu’on voit les taux de participation à cette catégorie d’élection ;

– « Je n’ai pas à interférer [dans cette campagne]« . Au bénéfice du doute je dirai qu’il ne s’agit pas d’une prétérition, mais les éxégètes du discours sarkozyiesque ne seront peut-être pas du même avis… ;

– « élections régionales, conséquence régionales, élections nationales, conséquences nationales« . Ici le Président se dédouane d’avance de prendre sa part dans la déroute annoncée de l’UMP,  qui je le rappelle devrait au mieux conserver les deux régions dont elle a la charge ;

« Il faut arrêter avec cette instabilité ministérielle« . Tiens, pourquoi dit-il cela ? Aurait-il oublié qu’il a envoyé 16 ministres et secrétaires d’état se présenter devant les électeurs, et que toutes celles et ceux qui seront élus devront quitter le gouvernement, créant de facto un remaniement d’une ampleur inégalée depuis 2007 ?

Enfin la dernière pique à l’attention des « observateurs« , traduisez les sondages, termine de démontrer que cette visite est avant tout politique et est un soutien – gratuit de surcroît – à la liste UMP de la région.

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Précédent fâcheux…

Il est des précédents fâcheux. Sans le savoir l’AFP en a créé un le 24 janvier dernier – ce n’est pas si vieux – en s’empressant de commettre une dépêche sur le vif échange(1) qui opposa François Bayrou à Jean-Pierre Elkabbach.  Dépêche relayée aussitôt par Le Figaro.
Cinq jours plus tard – ce n’est donc pas si vieux non plus – un échange tout aussi vif a opposé Xavier Bertrand à Jean-Michel Aphatie sur l’antenne de RTL. Mais là, pas de dépêche. Bizarre, non ? Alors, pour en quelque sorte réparer l’oubli voici ce que vous auriez pu lire(2) :

L’émission « L’invité de RTL » a donné lieu à de vifs échanges entre Xavier Bertrand et Jean-Michel Aphatie, le secrétaire général de l’UMP reprochant au journaliste d’être « passionné » par l’affaire Clearstream et le menaçant de le laisser « faire la chronique tout seul ».
Pendant l’entretien, M. Aphatie a ironisé sur le fait que le secrétaire général de l’UMP puisse penser que ses questions étaient « illégitimes », en lançant à M. Bertrand : « C’est assez terrible d’être confronté à ça. Au fond vous nous dites « vous faites mal votre travail, vous ne posez pas les bonnes questions », c’est assez terrible à entendre ça. Vous saviez très bien ce matin en venant qu’on parlerait de Dominique de Villepin ».
« C’est une question qui passionne les journalistes, c’est une question qui intéresse certains politiques, mais pour les français le vrai sujet c’est d’en entendre parler certes, d’en tirer pour eux mêmes les conséquences et ensuite de se projeter sur ce qui les intéresse vraiment », lui a répondu Xavier Bertrand. « Non, je réfute ce que vous dites  » a répliqué aussitôt Jean-Michel Aphatie.

Moralité : en décidant de rapporter l’échange entre François Bayrou et Jean-Pierre Elkabbach, l’AFP s’oblige – au moins moralement – à désormais le faire systématiquement. Car enfin je ne vois pas de différence de forme entre ces deux interview. En oubliant de dire que Xavier Bertrand et Jean-Michel Aphatie ont en quelque sorte joué un remake,  l’AFP laisse la porte ouverte à la polémique sur ses choix en ce domaine. Il fallait soit faire deux dépêches, soit n’en faire aucune. Précédent fâcheux vous dis-je…

(1) Je reprend le titre de l’article du Figaro qui lui-même reprend la dépêche de l’AFP. N’étant pas journaliste mais internaute, je ne peux pas aller plus loin dans les sources.
(2) Vous pouvez comparer avec l’article, on s’y croirait vraiment…

Complément du 3 février 2010

Rue89 révèle aujourd’hui que Xavier Bertrand a eu le 19 janvier dernier des mots lors d’une interview

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