Analyse du programme de François Fillon

François Fillon s’est lancé cette semaine dans la course présidentielle de 2017. Ira t-il jusqu’au bout, entendez participera t-il aux primaires de la Droite contre son ancien président de la République, lui seul  le sait à cette heure. Mais dans cette perspective il a déjà dévoilé son programme, ses cent-jours si jamais il accède à la plus haute fonction de l’Etat. Il le dit lui-même « Je vous présente ici la première ébauche de mon projet (…)« . Ebauche ou pas je ne trouve pas grand chose de séduisant dans ses idées. Revue de détail.
En tout premier lieu l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy souhaite « Réduire les dépenses publiques de  110 milliards d’euros sur la durée du quinquennat« , soit en moyenne 22 milliards d’Euros par an. Ce qui me gêne ici c’est le passé de François Fillon dans ce domaine puisqu’il avait lancé en 2011 un « Plan d’équilibre des finances publiques » de 17,6 milliards sur 4 ans, plan qui n’était pas très équilibré. De plus, une lecture attentive du projet en question permet de découvrir que « Les dépenses sociales représentent plus de la moitié des dépenses publiques« , d’où cette déduction implacable que « plus de la moitié » des 110 milliards d’économies se fera sur  ce poste…
Comme beaucoup de candidats à Droite, François Fillon voudrait « Mettre en place une prestation sociale unique » pour « [renforcer] l’incitation à la reprise d’activité et [réduire] les fraudes« . Effectivement c’est là une ébauche et si je suis certain que la « modulation » se fera pour beaucoup à la baisse je suis moins convaincu qu’ainsi cela renforcera l’incitation à la reprise d’activité. Sans reprendre l’expression nous n’avons là ni plus ni moins que la mesure « anti-assistanat » classique de Les Républicains*.
Déjà à la tête d’une réforme des retraites François Fillon en promet une autre si jamais il se retrouve au pouvoir. Il n’est plus du tout question de durée de cotisation mais uniquement d’âge de départ. Et là pas de faux semblant : ce sera 65 ans pour tous puis « prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie dans l’ajustement progressif de l’âge légal de départ en retraite« . Jusqu’où cela nous mènera t-il ? Mystère… Bien entendu cette mesure reprendrait deux idées absentes de la réforme de 2009 mais bien présentes dans le programme du candidat Fillon : L’harmonisation des régimes de retraites du public sur celui du privé et une dose – sans doute importante – de retraite par capitalisation pour – doux euphémisme – « apporter un complément au système par répartition.« . Dans la même veine « anti-assistanat », François Fillon veut « Améliorer l’efficacité et l’équité de l’indemnisation chômage » en « plafonnant les allocations à un taux de remplacement de 75 %« . On me corrigera au besoin mais je crois lire ici que cette allocation viendra dégrever l’allocation unique dont j’ai parlé plus haut pour faire en sorte que la personne qui ne travaille pas ne perçoive pas plus de 75% du SMIC. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire cette mesure « anti-assistanat » n’aura aucun impact puisque j’estime que c’est un mythe que d’imaginer qu’il est possible de vivre uniquement des allocations diverses. La « part d’ombre » – travail au noir, « business » ou autre – est le complément indispensable à ce type de situation.
Le chapitre économie est également décliné avec les mesures les plus contestables à mes yeux : En effet François Fillon veut « Baisser de 50 milliards d’euros les charges pesant sur les entreprises » et « Supprimer 15 milliards d’euros de taxes multiples qui pèsent sur la masse salariale » ce qui revient à faire un cadeau aux entreprises de 65 milliards d’Euros, 65 mille millions ! Pire encore la solution de financement est toute trouvée puisque « Cette réduction des prélèvements sera financée par une hausse de 3,5% des deux taux supérieurs de TVA« . Il sera impossible à François Fillon de nier que – classes moyennes comme classes inférieures – seront plus dûrement touchées par cette mesure que les classes supérieures qui – en outre – ne paieront plus l’ISF puisque le candidat souhaite la supprimer sans la remplacer.  François Fillon voudrait aussi « Renforcer l’actionnariat salarié, ainsi que la politique de participation et d’intéressement« . Belle attitude au premier abord mais attention : cette mesure doit « [ouvrir] une  alternative à la hausse salariale« , c’est-à-dire que sera soit de l’intéressement soit de la hausse de salaire. Cette mesure est à mes yeux la pire du programme Fillon car c’est sur le seul salaire qu’est calculé le montant de la retraite et qu’en conséquence les salariés n’auront d’autre choix que … de souscrire à un système par répartition. Bien joué n’est-ce pas ?
Enfin – et pour ne pas être trop long – je terminerai cette liste de mesures en précisant que François Fillon souhaite comme je pense chaque candidat de Droite faire maigrir le Code du Travail à 150 pages et « Mettre en place un contrat de travail unique » traduisez ici mettre à mort le CDI.
Je veux terminer ce billet par une vision plus politique des choses : François Fillon le sait il va devoir convaincre avec ce programme non seulement les sympathisants naturels de Les Républicains mais aller au-delà c’est-à-dire convaincre une partie de l’électorat actuel du Front National. En effet ce parti est bien ménagé par l’ancien premier ministre qui utilise des fleurets en plastique à bouts ronds quand il s’agit de critiquer le parti d’extrême droite. J’en veux pour preuve les deux seuls passages de son manifeste où le Front National est cité : « La France peut se réformer. Ne croyez pas les déclinistes et les populistes de l’extrême droite comme de l’extrême gauche (…) » et plus loin « A la veille de chaque élection, l’extrême droite attise le populisme, la gauche souffle sur les braises, alors que certains à droite font de la surenchère sur les  thèses simplistes du FN« . Vous ne voyez rien ? Moi si. Je vois que François Fillon est incapable de citer le Front National ou les idées qu’il représente sans accoler quelques mots plus loin l’expression « gauche » ou « extrême gauche ». Pour préciser encore plus ma pensée voyez cette phrase : « On veut vous faire peur, mais il faut refuser de se laisser intimider : le populisme n’est pas une fatalité« . Dans la plume de François Fillon ce « populisme » englobe l’extrême droite et l’extrême gauche et il était bien entendu hors de question pour lui d’écrire par exemple :  « On veut vous faire peur, mais il faut refuser de se laisser intimider : le Front National  n’est pas l’avenir de la France. » Permettez-moi donc de penser que l’ancien premier ministre est à tout le moins bienveillant avec le FN et que sans doute ne sera t-il pas le seul dans son camp.

* Comme la Justice l’a tranché le nom Les Républicain n’est pas l’adjectif républicain d’où cette écriture a priori surprenante.

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Chômage : Non, tout n’a pas (encore) été essayé

L’arrivée de la nouvelle année apporte son lot de résolutions, de vœux. On pourrait en formuler un pour les français en 2015, que la courbe du chômage s’inverse enfin. Avec plus de 3 500 000 personnes privées d’emploi il ne serait que temps. Je ne pense pas qu’il soit possible de mettre en doute la volonté du gouvernement de faire baisser le chômage mais les chiffres sont têtus et les différentes mesures prises depuis 2012 ont hélas démontré leur inefficacité. Dès lors que faire ? Existe t-il une solution pour inverser cette courbe ? J’ai la faiblesse de croire que oui avec deux mesures simples à mettre en oeuvre, deux mesures préconisées par François Bayrou lors de sa campagne présidentielle de 2012.
Tout d’abord consentir à toutes les entreprises qui embaucheraient un salarié en CDI de ne pas prélever de charges sur ce salaire (hors cotisations retraite) durant 3 ans. Il y a en France plus de 3 000 000 d’entreprises, la plupart petites voire très petites. Il suffirait pourtant qu’une sur 5 décide de profiter de cette mesure pour que tout à coup 600 000 emplois soient créés… L’idée est que de la multinationale à l’artisan la mesure soit la même, la « paperasse » soit la même ; surtout cette mesure ne permet aucun effet d’aubaine, elle n’est liée à aucun seuil.
Vous pourriez me répondre que pour embaucher il faut un carnet de commande, des clients. C’est là où intervient la seconde mesure, le « produire français ». Je sais que cette mesure a été décriée, raillée, voire récupérée avec d’ailleurs moins de bonheur que plus. C’est pourquoi je veux ici préciser l’esprit originel développé par François Bayrou. Il ne s’agit pas tant de produire français que de flécher l’achat des consommateurs vers les produits fabriqués en France. Pour reprendre un exemple maintes fois répété il vaut mieux acheter une Toyota – marque japonaise – fabriquée à Valenciennes qu’une Renault – marque française – fabriquée en Slovénie. En appelant à la conscience et au sens des responsabilités du citoyen il est possible de déplacer jusqu’à 10% de notre consommation vers des produits fabriqués en France. Cela serait déjà suffisant pour résorber une grande partie de notre déficit commercial et par la même occasion relancer l’emploi, donc la croissance.
Ces deux mesures sont simples à mettre en oeuvre, pas coûteuses* pour le budget national et très certainement efficaces pour redresser le pays. Il ne reste plus qu’à les décréter dès Janvier 2015…

* Du moins pas si coûteuses que cela en regard des bénéfices escomptés.

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La démocratie, coûte que coûte ?

On pourrait presque en faire un sujet du Baccalauréat* : « La démocratie a t-elle un coût ou bien a t-elle un prix ?« . Elle a un coût dit le Figaro (qui ne fait que reprendre ce qui a été publié par le Parisien), et pas des moindres puisqu’il est question d’un demi-milliard d’Euros. Je considère qu’au contraire c’est là le prix de notre démocratie.
Pour autant la lecture des deux articles laisse un étrange parfum de procès à charge sinon contre la Démocratie du moins contre son coût jugé trop élevé. La preuve avec le titre du Figaro qui lance les hostilités (« Les élections de 2012 ont coûté plus d’un demi-milliard d’euros« ), laissant croire au lecteur qu’il va être question d’une gabegie supplémentaire. Le Parisien lui n’y va pas non plus par 4 chemins et l’annonce sans ambage : « Gaspillage d’argent, listes douteuses : la face cachée des élections 2012« .  Nous noterons au passage que la somme de ce qui est dénoncé ne représente qu’un tiers du total – à supposer ce tiers mal employé – ce qui laisse à penser que les 66 autres pourcent sont correctement utilisés. J’insiste sur ce point car à aucun moment il n’en est fait mention, preuve que la parole n’a pas été donné à la défense si je puis dire. Seul le Parisien y fait allusion (ce n’est pas repris dans l’article du Figaro) en précisant que les campagnes des partis est à la charge du « budget national ». Au risque de me répéter que ne dirait-on si le financement était 100% privé !
Mais très vite on passe en mode « révélations » car le rapport commandé par Manuel Valls du temps où il était ministre de l’intérieur est « encore confidentiel« . A t-il pour autant vocation à le rester, impossible de le deviner à la lecture de l’article. J’ai pourtant le souvenir récent du rapport sénatorial sur le coût du démentèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim, rapport qui bien qu’approuvé par la commission avait mis du temps avant d’être rendu public. Ici je ne vois pas ce qu’il y a de confidentiel aussi suis-je enclin à penser que très vite tout le monde pourra lire ce rapport dans son détail.
L’article se focalise sur deux thèmes. Le premier concerne la dématérialisation (ou pas) des professions de foi. Il a été question de ne plus les imprimer afin de faire des économies (103 millions d’Euros selon le rapport) puis le parlement est revenu sur cette décision. Pour ma part je considère que l’envoi papier reste nécessaire, ne serait-ce que pour rappeler aux électeurs qu’une élection va avoir lieu. Le second thème est sur ces électeurs inscrits deux fois. Ils sont 500 000 dit le rapport, ce que le Figaro traduit en précisant que cela représente 1,1% du corps électoral. Hélas cela n’a pas contribué à faire remonter l’abstention, toujours aussi forte. Comme si l’électeur – ayant reçu une deuxième carte d’électeur – se disait « Chouette, je vais pouvoir voter deux fois !« . Permettez-moi de penser que le civisme l’a emporté sur la fraude et j’imagine au contraire une réflexion du style « C’est bien l’administration ça, même pas f… de gérer correctement mon changement d’adresse« . Concrètement que croyez vous qu’il arriva ? Que notre double-électeur profita de l’aubaine offerte pour voter deux fois ? Un peu de sérieux ne fait pas de mal et s’il faut légitiment s’inquiéter pour que de tel cas se produisent le moins possible je ne pense pas que la conséquence sur le vote ait été si grand que l’article l’induit.
Il y a pourtant un ratio que ni le Figaro ni le Parisien ne pointent : Annoncer que les élections présidentielles et législatives de 2012 ont couté 600 millions d’Euros revient à dire qu’il faut un peu plus d’1 million d’Euros pour organiser l’élection d’un député**. Pour le coup je me demande si ce n’est pas un peu cher payer la démocratie….

ou de concours d’entrée à Sciences-Po …
** La révision consitutionnelle de 2008 avait alourdi la facture avec la création de 11 sièges de députés des français de l’étranger. Pour le cas où vous l’ignoreriez il continue d’exister une assemblée des français de l’étranger dont on pourrait discuter le maintien…

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Chapeau la défense des retraites chapeaux !

L’alerte est donnée, il faut défendre le principe de la retraite chapeau. Peu importe que celle-ci soit excessive (jusqu’à 800 000€ par an), voire immorale car indépendante des résultats, il faut la conserver. C’est le mot d’ordre qu’on entend ce matin après les déclarations d’Emmanuel Macron sur le sujet.
On a d’abord vu Gilles Carrez, président de la commission des finances à l’assemblée nationale, nous expliquer que si on supprime les retraites chapeau cela fera moins de rentrées fiscales puisque celles-ci sont taxées à 70%… Argument imparable en ces temps de crise mais qui ne doit tromper personne.  Du reste j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi la « pilule » de la retraite chapeau taxée à 70% passerait mieux que la défunte « taxe à 75% ».
On a eu ensuite Geoffroy roux de Bezieux, vice-président du MEDEF avec une explication assez incroyable : Pour lui on ne doit pas légiférer sur le sujet puisque cela ne concerne que « 0,01% ». Bref c’est circulez il n’y a rien à voir. Enfin certains médias viennent à la rescousse des grands patrons puisque le journal les Echos se fend d’un article pour nous expliquer que les dirigeants du CAC 40 ne sont pas les seuls concernés et que, puisque les cadres moyens (sic) touchent également des retraites chapeau il ne faut pas y toucher. Vraiment je tire mon chapeau à ce tir de barrage contre la suppression des retraites chapeaux !

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