Le prix de notre démocratie

« La présidentielle 2012 a coûté 75 millions d’euros aux contribuables » annonce le journal Le Monde. Je suis tenté de répondre que c’est là le prix – et non le coût – de notre démocratie. Car enfin que veut-on ? Il n’y a rien de plus logique dans le fait que le financement des partis politiques, et par conséquent des campagnes électorales, soit réalisé exclusivement avec de l’argent public. Que ne dirait-on si les entreprises pouvaient apporter – même en toute transparence – leur obole aux candidat(e)s…
Plusieurs choses sont omises avec ce titre trompeur : Tout d’abord le simple fait que ce « coût » était prévisible dès le jour de la clôture des candidatures à l’élection présidentielle. En effet les dépenses de campagne étant plafonnées le « prix » de cette campagne n’est rien d’autre qu’une somme d’argent connue d’avance. Il n’y a là aucune surprise, aucun coût caché, aucun dépassement de budget possible(1). Plus subtil, en ne remboursant pas la campagne du candidat Nicolas Sarkozy ce ne sont pas « les contribuables » qui ont payé cette quote-part mais « les donateurs« , ce qui représente pour les premiers une économie de plusieurs millions d’Euros.
Parlons du financement même des partis politiques : Combien de français savent que les dons et les adhésions ouvrent droit à une réduction d’impôt ? Mieux encore, combien savent que la plupart des partis politiques pour ne pas dire tous proposent des tarifs d’adhésion aux alentours de 20 € ? Que, pour citer l’exemple du MoDem(2), il est possible d’être adhérent dès 5€ de cotisation annuelle ? Sans doute une minorité. De toute évidence une information plus complète serait profitable dans ce domaine. Les partis politiques, eux, connaissent très bien ces mécanismes de dons ; j’en veux pour preuve l’existence de centaines de micros-partis dont l’existence ne se justifie que parce qu’elle permet un habile contournement de la loi.
Pour en revenir aux comptes de campagne et à leur possible rejet, on a beaucoup parlé et dénoncé parfois l’appel lancé par l’UMP cet été. Là aussi c’est bien méconnaître les mécanismes qui régissent la vie financière des partis politiques. Le don est libre et appeler à en percevoir est légitime. Ce que je regrette c’est que la polémique ne se soit pas concentrée sur deux points précis de ce « Sarkothon » : Premièrement sur la faible générosité des principaux leaders de l’UMP. De tous ceux qui ont annoncé publiquement le montant de leur don, aucun n’a annoncé de montant supérieur à 2000€ alors que le plafond autorisé est de 7500€. Je compare ce chiffre avec un autre, qui a été rendu public durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy : Les « donateurs du premier cercle« , club(3) où le ticket d’entrée se monte à 5 000€ annuel. Dit autrement, aucun ancien ministre de Nicolas Sarkozy ne pourrait appartenir à ce club…
L’autre point sur lequel il y avait largement matière à polémiquer est le cas singulier de Nicolas Sarkozy. L’UMP a feint d’ignorer, voire de nier comme je l’ai entendu sur les ondes que l’ancien candidat pouvait donner plus de 7 500€, précisément à cause de son statut de candidat à l’élection présientielle. Le législateur a en effet prévu des dispositifs pour lutter contre les candidatures fantaisistes : C’est le celui sur les parrainages(4) et c’est l’avance par l’Etat d’une somme conséquente (153 000€), avance considérée comme étant un apport personnel.

C’est ainsi que face au rejet prononcé par le Conseil Constitutionnel, Nicolas Sarkozy avait la faculté de ne pas demander à l’UMP le remboursement de cette avance, de la considérer en quelque sorte comme sa participation au sauvetage(5) financier de son parti. Il ne l’a pas fait et il a préféré voir rembourser ces 153 000 € via les dons de cet été(6)… C’est certes régulier du point de vue légal, mais plus que discutable du point de vue moral.

(1) C’est précisément pour « dépassement de plafond » que les comptes du candidat N. Sarkozy ont été invalidés.
(2) D’autres partis politiques appliquent cela.
(3) Donateurs auquel Nicolas Sarkozy rendait parfois visite, de préférence tard le soir…
(4) Souvenez vous qu’un candidat plutôt anonyme comme Jacques Cheminade a passé cet obstacle avec bien plus de facilité que Marine le Pen …
(5) L’UMP l’a assez répété cet été, il fallait « sauver la démocratie », rien que ça. Nicolas Sarkozy aurait pu être plus sensible qu’il ne l’a été face à cet argument…
(6) Comme chaque candidat Nicolas Sarkozy pouvait également faire un apport personnel. Je n’ai pas réussi à trouver le montant de cet apport, s’il existe. 

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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