François Bayrou, vainqueur de la bataille des idées

N’en déplaise à Valérie Pécresse ce n’est pas l’UMP qui a gagné la bataille des idées(1) mais bien François Bayrou. Avec un slogan simple, « Produire, instruire, construire » le président du MoDem est le seul homme politique qui peut se vanter(2) en 2014 de pouvoir appliquer tel quel son programme présidentiel de 2012.

Produire

Le pacte de compétitivité ou la mise en place d’un ministère du redressement productif n’y feront rien, ce ne sont pas les bonnes méthodes. François Bayrou proposait tout simplement de « flécher » l’achat des français. Il suffirait de déplacer 10% de notre consommation vers des produits fabriqués en France pour relancer durablement l’économie, inverser – pour de bon ! – la courbe du chômage et au passage réduire notre déficit commercial. Comme le candidat le rappelait en 2012, les causes du marasme de la maison France sont en nous et non pas à l’extérieur de nos frontières.
L’autre mesure phare de François Bayrou était de proposer un emploi sans charge. Chaque entreprise – de la plus petite à la plus grande – pouvait embaucher en CDI un salarié sans payer aucune charge patronale sur cet emploi(3) durant 3 ans. Pas de CICE à mettre en place, pas de contrat avenir payé par de l’argent public. Non, une simple décision quasi administrative, qui donnait de l’optimisme à l’entrepreneur. Il y a en France près de 3 200 000 entreprises, avec cette mesure c’est sur un volant théorique d’autant d’emplois que nous pourrions compter si la mesure s’avérait être un succès. Sans compter qu’ainsi pas de risque d’optimisation fiscale ou d’effet d’aubaine(4) : Du commerçant qui embauche un second employé à la multinationale qui offre un CDI à un jeune en fin de stage, même procédure, même avantage, même coût pour la collectivité.

Instruire

La nième réforme de l’éducation nationale – ce coup-ci sur la refonte des rythmes scolaires – ne permettra pas, hélas, d’améliorer le niveau de connaissance de nos élèves. J’étais pourtant d’accord sur le constat, un des rares débats où les données de départ font consensus dans l’ensemble de la classe politique : Les journées à l’école sont trop longues et le temps scolaire sur l’année est trop court. Il fallait donc – quitte à prendre du temps – réformer à la fois le temps hebdomadaire et le temps annuel. Je sais que chacun irait de son discours pour expliquer pourquoi il est impossible de changer quoi que ce soit mais c’est pourtant là que le politique doit montrer son courage. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer ici sur certains autres points de l’école, je veux juste revenir sur la mixité sociale : Elle est indispensable. La carte scolaire jouait ce rôle, il faut alors soit la remettre en application soit trouver des mécanismes qui perturbent la « reproduction des élites ».

Construire

Entendez ici « construire une nouvelle démocratie ». Avec un certain retard le Gouvernement a fait voter une loi sur le non-cumul des mandats, qui certes ne s’appliquera pas avant 2017. Mais voyez la prise en compte du bulletin blanc, ou plutôt sa non prise en compte pour les prochaines élections municipales. On ne peut pas dire que le parti majoritaire soit pressé de réformer la vie publique. Voyez encore ces histoires d’invalidation de comptes de micro-partis. Que proposait François Bayrou ? Tout simplement de solder en une fois tout cela au travers d’un referendum, dans les six semaines qui auraient suivi son élection. Plus de cumul des mandats, plus de micro-parti, la réduction du nombre de députés à 400 et la mise en place d’une dose importante de proportionnelle lors des élections législatives. Ce n’était pas pour dans 5 ans, pour dans 10 ans. C’était pour tout de suite et décidé directement par les français eux-mêmes.

François Hollande va peut-être appliquer certaines de ces mesures. En tout cas je le souhaite car ce sont celles-ci qui permettront à la France de se redresser.

(1) Surtout avec des idées telles que celles-ci !
(2) A supposer qu’il s’en vante…
(3) Sauf la cotisation retraite
(4) Il faut garder à l’esprit que 99.9% des entreprises de France sont des PME.

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Mon (court) courrier au député Yves Censi

Monsieur le Député,

Lors de la séance de questions au gouvernement du mercredi 15 Janvier 2014 vous déclariez ceci* : « Le Président de la République a pris acte du fait que M. Le Roux n’était plus capable de faire voter son propre groupe ! Irez-vous jusqu’à utiliser l’article 49, alinéa 3, de notre Constitution ? Messieurs les donneurs de leçons, sachez que jamais sous le précédent quinquennat le Gouvernement n’a eu recours à une telle arme contre sa majorité !« .
Je prends la liberté de vous contredire : Sous le précédent quinquennat le Gouvernement a effectivement utilisé l’article 49, alinéa 3, de notre Constitution. C’était le 17 mars 2009, à propos du projet de loi prévoyant la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.
Le Gouvernement de l’époque avait engagé sa responsabilité sur le vote de ce texte pour museler les voix discordantes des députés du groupe Nouveau Centre (et de certains députés de votre groupe), qui dès lors n’avaient plus que la liberté de dire « oui » là où chaque autre député de l’assemblée pouvait faire son choix en toute conscience. Je tenais à vous rappeler cette réalité.

Je vous prie de croire, monsieur le Député, en l’expression de ma très haute considération.

* Source : compte-rendu des débats, site internet de l’assemblée nationale.

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L’UMP et les chiffres de l’immigration

Dans la perspective d’un retour aux affaires l’UMP s’est lancé peu de temps après les défaites de 2012 dans des états généraux traitant de la famille, de la défense ou du travail. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’analyser ce dernier thème sur ce blog. Mais je ne ferai pas de même avec ces derniers états généraux, consacrés à l’immigration. Je vais me contenter de critiquer l’analyse de certains chiffres de ce rapport afin de rester sur le terrain le plus factuel possible et comme on dit, tenter de dépassionner le débat.

L’UMP présente donc un état des lieux de l’immigration, qui débute par des chiffres introduits par cette phrase : « La France compte une population immigrée nombreuse« . En effet poursuit le rapport, « la part d’étrangers en France est de 5,8% en 2011 » et pour en faire la démonstration il est présenté un tableau reprenant les « Effectifs des principales populations immigrées dans certains pays de l’UE en fonction de leur pays d’origine » avec des sources incontestables (Insee, Statista, DGSIE, Office for National Statistics.). Ce que je veux contester par contre c’est l’impression induite par ce tableau. Il reprend pour quatre pays européens (France, Allemagne, Belgique et Royaume-Uni) les 3 premières populations étrangères. On apprend ainsi qu’en France la première population étrangère vient d’Algérie (713 000 personnes), ou qu’en Belgique la France arrive deuxième – derrière une surprenante Italie – avec 130 568 personnes. Non ce qui me gêne ici c’est que l’UMP omet de faire le rapprochement avec le pourcentage de la population. Pourtant ce rapprochement est fait quelques lignes plus haut, souvenez-vous : « La part d’étrangers en France est de 5,8% en 2011« . (1)
J’ai donc regardé quel était le pourcentage des 3 premières populations étrangères par rapport au nombre d’habitants du pays concerné. Surprise, la France est dernière, du moins quatrième sur les 4 pays du tableau. Si on fait la somme des personnes venant d’Algérie, d’autres pays d’Afrique(2) et de Tunisie on obtient 1 617 000. Ramené à la population française (64 215 000 habitants) nous obtenons 2,5%. Regardons alors ce que nous obtenons avec les autres pays mentionnés : le Royaume-Uni ? 2,9% L’Allemagne ? 3,3% La Belgique est la plus concernée semble t-il puisque son taux s’élève à 3,8%. Que faut-il en déduire ? Tout simplement que, pour que le postulat de départ puisse rester vrai, (5,8% d’étrangers en France en 2011) il faudrait statistiquement ventiler sur tous les autres pays de la planète 2 200 000 personnes étrangères. La déduction qui s’impose d’elle-même est que l’immigration africaine (Algérie + « autres pays d’Afrique » + Tunisie) n’est pas l’immigration majoritaire, car elle ne représente « que » 42,3%. Nous découvrons alors que « l’immigré-type » est à 57,4% originaire d’un autre continent que l’Afrique.
Il faut garder ce ratio pays d’Afrique / pays hors Afrique en tête car  l’UMP y revient quelques lignes plus loin, à propos du chômage des étrangers : « le taux de chômage des immigrés est beaucoup plus fort que celui des non-immigrés : 16,3% contre 8,5% en 2011. Il est même de 23 % pour les personnes originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne« , ce qui vous en conviendrez revient peu ou prou à  stigmatiser cette population puisque nous venons de voir qu’elle n’est pas majoritaire en terme de population étrangère. Elle apparaît néanmoins coûteuse puisque comme l’affirme le texte, « Ce « surchômage » des immigrés a un coût d’environ 3 milliards d’euros pour l’assurance chômage« . 3 milliards d’Euros c’est une somme, c’est pourquoi à partir des chiffres de l’UMP j’ai cherché à savoir combien cela représentait par chômeur. Cherchons d’abord à calculer le total de la population concernée. Nous ne parlons là que des « personnes originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne » alors que – rappelez-vous – le tableau englobe  aussi les « autres pays d’Afrique« , mais ce n’est là qu’un détail infime. Donc notre population de départ est de 1 617 000. 23% de ces personnes sont touchées par le chômage, soit 371 910 personnes, et se partagent par conséquent les 3 milliards d’Euros de « surchômage ». La division donne 8 066 € par personne, soit 672.16€ par mois. Est-ce beaucoup ou est-ce peu ? La réponse pourrait surprendre mais c’est très peu puisque cette somme est inférieure au minimum de perception  de 851,40€.  Je vous laisse imaginer un instant les conséquences politiques s’il fallait admettre qu’indemniser un chômeur étranger est plus économique qu’indemniser un chômeur français(3).
Le plus inquiétant est ailleurs à mes yeux, dans l’épithète utilisé. Car le raisonnement est simple, simpliste même. Pour l’UMP ce chômage là n’en est pas véritablement un puisqu’il le qualifie de « surchômage » ; bref, cessons d’indemniser ces 371 000 personnes et… et alors quoi ? Le pays s’en porterait-il mieux ? Pas sûr.

(1)  Je me permet d’ajouter que la population  dite « immigrée » , telle que décrite dans ce même texte est de 200 000 soit 0,31% de la population française. « Peanuts » pourraient dire certains…
(2) C’est intitulé ainsi dans le tableau.
(3) Le texte passe sous silence un éventuel écart de salaire entre étranger et français. Je ne sais pas si des études en ce sens existent mais selon mon idée le salaire moyen d’un étranger est inférieur au salaire moyen d’un français. Il est donc logique que l’indemnisation chômage d’un étranger soit inférieur à l’indemnisation chômage d’un français.

 

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La prise en compte du vote blanc, un consensus en demi-teinte.

Véritable serpent de mer du code électoral, la prise en compte du vote blanc était en débat à l’assemblée nationale la semaine dernière. Je croyais pourtant que ce sujet était derrière nous et que le vote blanc était officialisé. Erreur ! En fait l’an dernier avait eu lieu la 1ère lecture. Or il faut un vote conforme des deux chambres puis la publication de la loi et des décrets éventuels au Journal Officiel avant qu’un texte législatif ne soit effectif. Dans le cas présent ce n’est que le 28 novembre dernier que le texte reconnaissant le vote blanc(1) a été discuté en seconde lecture à l’Assemblée Nationale. Qui dit seconde lecture à l’Assemblée Nationale dit première lecture au Sénat (!). Surprise, la Haute Assemblée avait rejeté une disposition a priori de bon sens, celle consistant à considérer une enveloppe vide comme étant l’expression d’un vote blanc. Arguant de la possibilité d’erreur de l’électeur, le législateur a préféré pré-supposer le vote nul. Les débats de la seconde lecture vont – aussi – tourner autour de ce point mais ce n’est pas là l’essentiel.
La politique n’est jamais loin dans tout texte législatif et cette proposition de loi n’a pas fait pas exception à la règle. L’opposition parlementaire n’a eu de cesse de dénoncer une manoeuvre dilatoire du gouvernement en l’accusant de bien vouloir reconnaître le vote blanc mais en veillant à son application pour après les élections municipales de Mars 2014. L’argument développé en séance est d’expliquer qu’en renonçant au vote blanc la majorité présidentielle espère favoriser l’émergence de triangulaires, qu’elle imagine à son avantage lors du second tour. En réponse à cela le gouvernement par la voix de François Lamy(2) oppose l’impossibilité technique de préparer ce changement avant le 23 mars, date du 1er tour des élections municipales. « Quand on veut on peut » réplique en substance l’opposition. A ce moment-là le débat prend une tournure quasi surréaliste avec une UDI qui veut aller vite et un PS qui veut aller lentement. Les arguments se font plus rudes et le ton monte. Tout ça pour ça devrais-je dire car finalement le texte a été voté à l’unanimité.
Mais que retenir de cette matinée du 28 Novembre ? Plusieurs choses. La plus marquante à mes yeux est ce débat incroyable sur ce qu’est ou n’est pas un vote blanc. Des sénateurs (majoritaires puisque l’amendement qui le précisait a été adopté) ont estimé que c’était à l’électeur de physiquement déposer un bulletin blanc dans l’enveloppe. Comme l’a justement fait remarquer un député ce dispositif est à peu de choses près l’arrêt de mort du vote blanc puisqu’un décret devrait préciser la taille, la couleur du papier et tant qu’à y être pourquoi pas le grammage(3) ! Je me demande si on doit voir là l’habitude toute française de commencer par la solution la plus compliquée ou s’il faut interpréter l’amendement du Sénat comme une schizophrénie du législateur, disant oui à la loi tout en s’assurant qu’elle sera impossible ou presque à mettre en oeuvre.
Tout aussi intéressant à étudier est le débat sur la date de mise en application effective de la reconnaissance du vote blanc. François Sauvadet l’a rappelé en séance, le parcours législatif de cette proposition de loi est pour le moins singulier : Outre que le tout premier texte sur le sujet date de la création du vote par bulletin (1798!), la proposition de loi en débat est passée en première lecture en Novembre 2012. Oubliée du gouvernement(4), l’UDI a dû se résoudre à utiliser sa « niche parlementaire » pour que ce texte passe en seconde lecture, et encore ! Faute d’un vote conforme, la navette pourrait se poursuivre avec la constitution d’une Commission mixte paritaire pour régler les derniers arbitrages. C’est à la fois une course contre la montre pour ceux qui veulent que ce texte s’applique en Mars 2014 et une course de lenteur pour ceux qui ne le souhaitent pas.
Je ne crois pas aux arguments consistant à dire que c’est impossible, que comme l’a développé en séance François Lamy « nous ne sommes plus dans les délais raisonnables pour informer les électeurs, ni pour former l’ensemble des personnels, que ce soit dans les préfectures ou dans les mairies, ni pour former les présidents de bureau de vote, qui, eux-mêmes, je vous le rappelle, seraient appelés à former les scrutateurs. Vous le savez : ceux qui dépouillent sont des citoyens qui, le jour même de l’élection, se portent volontaires, et à qui il faut expliquer l’ensemble des règles. » L’opposition ne s’y est pas trompé en se gaussant qu’il faille subitement « former les scrutateurs » pour leur expliquer qu’une enveloppe vide est un vote blanc(5). J’ai du mal à comprendre la position du PS sur ce texte et cette incompréhension de ma part me pousserait à abonder dans le sens de l’opposition, à savoir que c’est là un calcul électoral. Mais n’est-ce pas surestimer le vote blanc ? Avec en moyenne 2 à 4% des votes – non exprimés de surcroît – on ne peut pas dire que le vote blanc ait une influence certaine sur le résultat d’une élection. Si c’est là le fond de la pensée des députés PS je serais tenté de dire qu’ils se font peur pour rien. Tout porte à croire que la réponse n’interviendra qu’après Mars 2014(6).

(1) Vote blanc et vote nuls sont comptabilisés sans distinction. Cette proposition de loi propose – je simplifie pour la note – de distinguer ces deux votes.
(2) François Lamy a excusé en début de séance l’absence de Manuel Valls, ministre de l’intérieur.
(3) Remarque de Philippe Folliot en séance.
(4) Le gouvernement reste maître de l’ordre du jour de l’assemblée nationale, aux « niches » près justement.
(5) Cela n’a pas été dit en séance mais la solution de bon sens ne serait-elle pas de dire que seule l’enveloppe vide de tout bulletin est l’expression du vote blanc ?
(6) Il n’est pas encore certain que ce dispositif sera en place pour les élections européennes.

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