Je souhaite revenir ici sur la réforme du code électoral dont la discussion définitive vient d’avoir lieu à l’assemblée nationale. N’en déplaise aux députés qui ont voté ce texte, ils font là une grave erreur.
Vouloir remplacer l’égalité du temps de parole par l’équité du temps de parole est une atteinte au débat démocratique ; elle est de plus basée sur des concepts trompeurs. On nous explique par exemple que l’équité va dépendre des résultats des partis ou mouvements politiques lors des dernières élections. C’est oublier un peu vite que les candidats* se présentent en leur nom, pas au nom de leur parti politique. Nous ne sommes plus sous la IVème république.
Partant de ce principe il n’y a aucune raison de différencier – j’allais dire discriminer – un candidat A d’un candidat B. Le principe du parrainage est là qui joue à plein son rôle de filtre qui permet d’éviter toute candidature fantaisiste. Il n’y a donc pas de raison de créer dans la loi des différences. Sans compter que – quand bien même l’équité du temps de parole deviendrait le droit – le contexte de la présidentielle de 2017 risque de tailler en pièces ce principe.
Il suffit pour cela d’imaginer qu’un candidat de Les Républicains** saute l’obstacle de la primaire et décide d’aller directement au 1er tour de l’élection présidentielle. En vertu de la règle de l’équité qui ne sait pas distinguer entre deux personnalités d’un même mouvement politique, il devrait être traité à égalité avec le candidat gagnant de la primaire LR, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. J’imagine d’ailleurs que ce ne serait pas du goût de ce dernier. Cette preuve par l’absurde (encore que …) montre les limites d’une telle loi si elle s’appliquait.
On peut aussi souligner que si l’égalité du temps de parole est une notion simple à appréhender, ce n’est pas le cas de l’équité. L’électeur de notre candidat A pourra en toute bonne foi estimer que l’équité n’a pas été respecté. A l’inverse le décompte et l’objectif affiché de voir respecter l’égalité du temps de parole évite en grande partie ce problème.
J’ai lu aussi quelque part – où ? – que baser l’équité sur les sondages posait problème. Je suis en accord total avec cette affirmation, d’autant que j’y vois effectivement un problème sur un plan déontologique : Le sondage n’étant rien d’autre qu’une prestation de service rémunérée, je n’aime pas du toute l’idée qu’il puisse servir de mesure étalon, a fortiori qu’il se trouve expressément cité dans la Loi. C’est lui donner une importance qu’il ne mérite pas.
* Ou une. Dans tout ce billet le féminin est implicite.
** Rappel : La justice a décidé que le nom n’était pas l’adjectif, d’où cette formulation.