On l’oublie certainement mais la primaire populaire n’est pas qu’un vote ; c’est aussi un programme qu’est censé appliquer celui* qui va rassembler la majorité des suffrages**. Ce programme est constitué de 10 « ruptures« , terme employé par la primaire populaire. Je vais ici en commenter certaines.
Rupture n°2
« Une vraie loi climat pour reconvertir notre économie et accompagner nos entreprises dans la transition. »
Je conteste le qualificatif de « vrai » car il est inapproprié. Oh je vois bien le coté militant mais il faudrait plutôt réclamer une « autre » loi climat, ce serait plus juste. Personne n’est détenteur de la vérité et sûrement pas dans ce domaine.
Rupture n°3
« Mettre en place un revenu de solidarité dès 18 ans. »
Idée généreuse mais qui va vite se heurter à sa mise en place concrète. Car si l’idée est d’avoir un revenu suffisant pour permettre de vivre tout en étudiant on doit en déduire qu’il permettra tout aussi bien de vivre sans étudier, ce que les jeunes ne manqueront pas de remarquer dès la première année…
« Assurer un volume minimum gratuit pour l’eau/gaz/électricité avec une progressivité des tarifs pour les ménages. »
Oui, je suis pour cette mesure car je la trouve juste. Je veux seulement nuancer la proposition car en fait de gratuité je préconise plutôt que les x premiers Kwh ou les y premiers m3 soient inclus dans l’abonnement.
Rupture n°4
« Garantir un emploi pour toutes et tous »
Je dois avouer que cette proposition m’effraie quelque peu. « Garantir » un emploi est-ce obliger à occuper un emploi ? A priori non. Une femme qui vient d’avoir un enfant peut par exemple décider d’aller plus loin que le congé parental et quitter son emploi. Elle souhaite ensuite retrouver une activité : comment cela se passe t-il avec cette proposition ? Est-ce qu’il s’agit d’un emploi opposable sous la forme « l’état n’est pas capable de me proposer un emploi alors je perçois une indemnité en retour » ? Je pense plutôt que cette mesure est totalement inapplicable, voire démagogique.
« (…) instaurer le congé parental égalitaire et obligatoire. » J’imagine qu’il faut entendre là que ledit congé doit être pris à part égale par chacun des membres du couple. C’est à mes yeux une régression par rapport au droit actuel puisqu’aujourd’hui cela peut être fait par choix (oui, le père peut prendre un congé parental). Avec cette proposition plus de choix possible, ce sera imposé à tous les couples…
Rupture n°5
« Augmenter les salaires [dans] la santé et de l’éducation. »
La promesse est certes plus facile à écrire qu’à financer. Mais soyons précis : je ne suis pas « contre » l’augmentation des salaires de ces catégories ; je suis dubitatif sur la manière de faire.
Rupture n°7
« Restaurer et moderniser l’ISF pour qu’il génère 10 à 20 milliards d’euros par an (au lieu de 4 milliards avant la réforme Macron). »
Tous les économistes et les spécialistes de la question vous le diront, la difficulté réside dans le dosage entre taxation et évasion – légale – des plus grosses fortunes de notre pays. Il est proposé ici de doubler au minimum l’ancien ISF. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que si cela est mis en pratique nous verrons aussitôt les assujetis concernés mettre en place des parades, des solutions de contournement. Alors oui, le candidat vainqueur de la primaire populaire pourra réinstaurer l’ISF mais je doute qu’il puisse générer plus que 4 milliards d’euros de recettes.
« Prélever un impôt sur le revenu (IR) plus progressif. »
Je suis pour cette mesure mais avec une condition préalable : c’est que tout le monde paye cet impôt, suivant en cela à la lettre l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789***. J’ai même une idée du minimum de perception : 10 fois le SMIC horaire.
« Renforcer les moyens de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. »
Là aussi il est impossible d’être contre cette mesure. Mais est-ce aujourd’hui un manque de volonté ou un manque de moyens ?
Rupture n°8
« Instaurer (…) la reconnaissance du vote blanc contraignant »
J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici, je suis très opposé à cette mesure. Je vous renvoit à mon billet de blog pour y lire l’argumentation que j’y développe.
« (…) la limitation à deux mandats consécutifs pour toutes les charges publiques »
Je vois bien l’idée derrière cette mesure mais je trouve que c’est au final ne pas faire confiance aux électeurs : Ce serait plutôt à eux de décider par leur vote s’ils veulent encore de la même personne ou pas. Cela entre d’ailleurs en contradiction avec l’idée même du RIC, réclamé pour – entre autres – donner le dernier mot au peuple.
« le changement en profondeur des modalités de financement des partis pour plus de transparence et d’indépendance »
Je suis très curieux d’en savoir plus sur cette proposition car je ne vois pas ce que la primaire populaire reproche au système actuel. On ne va quand même pas autoriser les entreprises à financer – même en toute transparence – les partis politiques ! Dès lors le financement ne peut venir que des particuliers et de l’état, comme aujourd’hui… Quant à la transparence je rappelle s’il en était besoin qu’elle est garantie par la Haute Autorité sur la Transparence de la Vie Publique.
« la création de bons pour l’égalité démocratique, que chaque citoyen et citoyenne pourra allouer chaque année au mouvement politique de son choix lors de sa déclaration de revenus. »
J’ai le plus grand mal à comprendre où se trouve la rupture avec le système actuel puisque les dons aux partis politiques sont déjà déductibles de l’impôt sur le revenu. A moins que l’allocation de ces bons ne soit obligatoire ?
Rupture n°9
« (…) convoquer une convention citoyenne pour le renouveau démocratique »
Décidément le « panel de citoyens tirés au sort » a le vent en poupe et je ne connais pas de parti politique qui n’en a pas au moins un à son programme. Ici c’est pour discuter du « renouveau démocratique », ailleurs c’est pour remplacer l’actuel conseil constitutionnel…
Il y a dans cette rupture n°9 un court mot sur le RIC, pour lequel j’ai déjà fait part de mes réticences.
« Changer les visages du Parlement grâce à des critères de représentativité »
Est-ce là une forme de discrimination positive ? Ou alors interdire à un candidat de se présenter au motif qu’il ne rentre pas dans les « critères de représentativité » ?
Je pense qu’il va être difficile constitutionnellement parlant d’aller au-delà de l’égalité homme-femme en matière électorale.
« constitutionnaliser la séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif. »
On nous l’apprend très vite à l’école, nous vivons dans une société où ces pouvoirs sont déjà séparés. Certes cela n’est pas écrit textuellement dans la constitution mais j’imagine que la primaire populaire veut aller au-delà. Seulement elle ne précise pas comment.
*Féminin implicite, comme partout sur ce blog
**Je sais que le vote est « par approbation » ; cela ne change rien au fait qu’il s’agit de désigner un candidat.
*** « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »