Ouverture de la PMA ou PMA pour tous (II) ?

Alors que le projet de loi n’est pas encore déposé sur le bureau de l’assemblée nationale le débat autour de l’ouverture de la PMA a déjà commencé, à supposer d’ailleurs qu’il se soit arrêté un jour. Je veux poursuivre ici ma réflexion sur ce sujet au vu des derniers arguments avancés par les uns et les autres.
Notamment j’ai pu lire ici ou là qu’en réalité la PMA se pratiquait déjà pour des couples fertiles avec comme preuve la hausse constante du nombre de « bébés FIV ». Je me permets de rappeler que – quand bien même ce serait vrai – c’est officiellement interdit car jusqu’à preuve du contraire l’accès à la PMA n’est possible qu’en cas d’infertilité constatée*. L’existence d’ordonnances de complaisance ne doit rien retirer à ce principe et surtout ne doit pas servir d’argument pour l’ouverture de la PMA car précisément la « PMA pour toutes » n’a rien à voir avec la médecine mais avec une demande sociétale. Après tout la PMA n’a pas pour finalité de guérir un couple mais de palier une impossibilité.
Nous arrivons ainsi, tout doucement, au coeur du sujet : Si c’est possible techniquement cela ne doit plus être interdit ni réservé. Mais alors cela veut dire que tout le monde ou presque pourrait réclamer l’accès à la PMA, homosexuels et couples hétérosexuels fertiles compris !
En effet se dessine petit à petit que la clé de voûte de la « PMA pour tous« ** sera la présentation d’un projet parental cohérent. Mais là aussi, nouvel obstacle : Qui pour juger que le projet parental présenté est cohérent ? Certainement pas le médecin d’après moi, pas lui seul en tout cas. Alors une équipe pluridisciplinaire dédiée ? Ou alors on se passe complètement de cette histoire de projet parental cohérent et on a réduit la PMA à une simple prestation de service, pour aussi horrible qu’il soit d’employer une telle expression à propos de la création d’une vie. Alors que décidera le législateur ?
Déjà ne plus regarder l’infertilité médicale comme unique critère d’accès à la PMA. Mais comme je l’ai déjà écrit cette seule décision ouvre une boîte de Pandore en forme de poupées gigognes : Pour commencer cela impliquera que les couples hétérosexuels fertiles auront droit à la PMA quand bien même ces derniers n’utiliseraient pas cette possibilité. Car primo je ne vois pas comment le législateur pourrait écrire dans la loi qu’ils n’y auraient pas droit et secundo les défenseurs de la PMA pour tous expliquent que c’est déjà le cas, dont acte. Ensuite viennent les femmes, seules ou en couple lesbien. C’est d’abord et avant tout pour elles que la loi va être écrite et le législateur se contentera pour ce cas de décider de l’age maximal et de la manière dont sera exprimée la demande de PMA. Faudra t-il présenter un dossier complet et justifier de la cohérence du projet parental ou juste signer un formulaire ? Aux députés d’en débattre.
Enfin dernier tiroir de ma boîte de Pandore et pas des moindres, la GPA. Il sera impossible – je dis bien impossible – de laisser de coté le dossier GPA pour les couples homosexuels, voire pour les hommes célibataires***. C’est le piège – je n’ai pas d’autre mot – dans lequel la société tombe dès lors que l’on justifie la PMA pour tous par le biais de l’égal accès à la parentalité. Car si l’on entend par là « égalité pour tous » alors en toute logique le « tous » ne doit exclure personne. Comment justifier le refus de la GPA pour les homosexuels si dans le même temps on accorde la PMA aux lesbiennes ? En invoquant l’impossibilité naturelle de procréer ? Certainement pas puisque tout aussi bien deux lesbiennes ne peuvent pas procréer sans l’aide d’un tiers. Donc si deux hommes – a fortiori mariés – présentent un projet parental cohérent pourquoi faudrait-il refuser leur demande ? Au seul motif qu’ils sont « homme » ? Ici le législateur ne pourra pas s’en sortir autrement qu’en autorisant la GPA, la discrimination Homme – Femme étant trop flagrante pour tenir du seul point de vue juridique (- « Je vous dis non parce que vous êtes homme ; je vous dis oui parce que vous êtes femme« ).
Quoi qu’il en soit les associations militantes vont vite s’emparer de ce sujet et expliquer – avant même que la loi ne soit discutée et votée – que le législateur resterait au milieu du gué s’il ne se prononçait pas en faveur de la GPA.
Sans compter que même s’il était décidé de maintenir l’interdiction de la GPA, il y aurait un risque réel de voir arriver en France une GPA de fait. Car une fois la loi en vigueur rien n’empêchera un couple lesbien de tomber d’accord avec un couple homosexuel pour aider ces derniers à être parents, par altruisme ou par militantisme peu importe. Le couple lesbien présentera son « projet parental » et une fois la PMA enclenchée mettra l’état devant le fait accompli en confiant l’enfant naissant au couple demandeur. C’est certes un cas aujourd’hui tout théorique mais je ne vois pas comment il le resterait demain avec la PMA pour tous telle qu’elle se dessine. Ce que je veux pointer ici c’est que si le législateur souhaite maintenir l’interdiction formelle de la GPA il devra en conséquence sanctionner les éventuelles stratégies de contournement de la loi. Ne pas le faire ou l’ignorer reviendrait à autoriser par défaut la GPA, certains ajoutant en toute hypocrisie.
Vous voyez donc à quel point le débat ne fait que commencer : La vraie question n’est pas tant d’ouvrir la PMA que de décider où s’arrêter une fois celle-ci ouverte à tous.

* Toutefois oui, des couples hétérosexuels fertiles peuvent faire appel à la PMA mais dans des conditions précises et encadrées, à savoir pour éviter la transmission d’une grave maladie. Ce cas est donc couvert par une justification médicale.
** Le glissement sémantique de « toutes » à « tous » est inéluctable.
*** Je ne vois pas pourquoi on évoquerait toujours le désir d’enfant d’une femme seule comme si cela était naturel et jamais le désir d’enfant d’un homme seul comme si cela était impossible.

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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