Une fois de plus les députés se penchent sur le délicat problème des prisons. Le constat est pourtant connu depuis des années et partagé – chose rare – par tous les bancs de l’assemblée nationale. Il peut se réduire à trois points : surpopulation carcérale, vétusté des locaux, manque de personnels. Les points de blocage sont donc sur les remèdes à appliquer et non pas sur le diagnostic. Je présente ici mes propositions, sans aucun a priori.
Surpopulation carcérale
On ne le sait pas assez ou bien on ne le dit pas assez mais il ne devrait pas y avoir en France de surpopulation carcérale, simplement parce que les détenus ne sont pas tous – loin de là ! – en train de purger leur peine. Près d’un tiers d’entre eux sont incarcérés sous le régime de la détention préventive, c’est-à-dire en attente d’être jugé. La justice étant elle aussi encombrée les délais s’allongent, au point que nous arrivons souvent à ce paradoxe où l’accusé est reconnu coupable par le tribunal mais aussitôt libéré car la peine prononcée couvre en totalité « la préventive ». Cette situation est intenable pour les deux parties : pour le coupable d’abord, qui aura passé toute sa détention comme innocent, puisque non jugé. Intenable pour les victimes et les parties civiles ensuite, qui assistent après un procès souvent éprouvant à non pas l’emprisonnement de l’accusé puisque reconnu coupable mais au contraire à sa remise en liberté. On voit à la lumière de ce cas – qui n’est pas théorique ! – qu’il faut au plus vite réformer les conditions de la détention préventive. A mes yeux elle ne doit plus se faire en prison mais dans des centres de rétentions, un peu à l’image de ce qui existe pour les étrangers en situation irrégulière. On ne progressera pas sur le sujet « surpopulation » sans traiter spécifiquement ce cas de manière législative ou règlementaire.
Vétusté des locaux
Si la prison est avant tout un lieu de privation de liberté il n’y a pas de raison pour qu’il soit en plus un lieu de dégradation de la dignité humaine. Pour l’instant la rénovation des bâtiments ou la construction de prisons neuves existent mais que ce soit pour l’un ou pour l’autre cela prend du temps. Et puisqu’il faut aussi lutter contre le désoeuvrement en prison pourquoi ne pas affecter plus souvent les détenus à l’entretien des locaux ? C’est là une piste que je souhaiterais voir explorer davantage.
Manque de personnel
J’ai été choqué d’apprendre deux choses sur ce sujet : d’une part que le nombre de surveillants d’une prison est décidé par la loi en fonction du nombre de cellules. Cela veut dire que – quand bien même tous les acteurs auraient la volonté d’embaucher du personnel supplémentaire – cela ne peut pas se faire car le nombre maximal de personnels pour une maison d’arrêt donnée est « capée » par la loi. L’autre chose qui m’a choqué est d’apprendre qu’à la prison de Fresnes (et j’imagine que ce doit être le cas dans beaucoup d’autres prisons) près de 70% des surveillants ne sont pas titulaires.
En conséquence les solutions sont simples à écrire : abandonner ce numerus clausus qui ne dit pas son nom et n’embaucher que du personnel sous statut. A ceux qui répliqueraient qu’il y a déjà trop de fonctionnaires en France je répondrais volontiers que oui, mais qu’à défaut de réduire leur nombre en valeur absolue nous pourrions au moins transférer à la surveillance des détenus les EQTP* réputés surnuméraires ailleurs.
Une autre idée à creuser est de rendre le métier attractif. Ici les vieilles recettes sont souvent les meilleures et je ne vois qu’une piste à explorer : faire bénéficier les surveillants d’avantages corporatistes, en tête duquel un départ avancé en retraite. Croyez-moi sur parole : écrivez dans le statut du surveillant de prison** qu’il partira à la retraite à 58 ans avec un taux plein à condition d’avoir servi 35 ans et les difficultés de recrutement disparaîtront comme par magie.
Lutte contre la récidive
Je ne peux pas m’empêcher de parler de ce sujet car la majorité des détenus sont déjà passés par la case « prison ». Alors oui la détention est une punition mais on ne pourra pas lutter efficacement contre la surpopulation carcérale si l’on se contente d’enfermer le coupable pour le temps de sa peine sans jamais s’occuper de lui d’un point de vue social, ni préparer sa sortie. L’idéal serait de réussir sa réinsertion mais j’ai souvenir d’un rapport parlementaire qui évoquait cela en soulignant – oh paradoxe ! – que le temps d’incarcération était soit trop court, donc pas assez de temps pour mettre en place un programme cohérent, soit trop long et là c’est le détenu qui ne voyait pas l’intérêt de se projeter sur un « après » qu’il considère comme inexistant.
C’est – entre autres – pour cette raison que je suis pour la conservation d’un système de réduction automatique de la peine. A contrario, j’estime que toute peine de prison ferme doit inclure un temps minimal d’incarcération car la privation de liberté se doit d’être réelle, tangible pour le coupable.
(*) Equivalent Temps Plein, terme technocratique pour dire « emploi ».
(**) Comme il a toujours été d’usage sur ce blog le féminin est implicite.