Je tire sur l’ambulance mais tant pis, j’ai trop envie d’ajouter mon huile sur le feu du clash entre Alain Minc et François Bayrou.
Tout d’abord un hors-sujet pour débuter ce billet : Le verbe « tacler » ne devrait s’utiliser qu’au sens physique et par conséquent on ne devrait le rencontrer que dans les compte-rendus de matches de football, mais passons(1).
Venons-en aux faits à présent, à l’interview. Dès la première réponse la charge est lancée : à l' »Apocalypse now » de Minc je suis tenté de répondre que le coup du « moi ou le Chaos » ça a déjà été fait. Mais surtout Alain Minc s’exprime d’entrée de jeu comme si le livre de François Bayrou évoquait un programme politique. Or – et pour avoir lu le livre en entier – à aucun moment le « je » n’est employé. Bref, contrairement à ce que dit Alain Minc François Bayrou ne se présente pas aux Français comme un sauveur(2).
Je ne vais pas revenir sur les habits de l’imprécateur, François Bayrou a répondu de fort belle manière sur cette matière. Par contre le président du Modem n’a pas noté cette phrase qui démontre qu’Alain Minc n’a pas lu le livre qu’il critique : il dit dans sa seconde réponse que « Bayrou a été ministre de l’Education. Une partie importante de son livre porte sur les réformes à faire dans ce domaine. » Or dans « 2012 Etat d’urgence », le chapitre sur l’éducation va de la page 111 à la page 138. 27 pages d’un livre qui en compte 158, à peine 20%. CQFD, Alain Minc n’a pas lu le livre car 80% de l’ouvrage est consacré au « produire en France ». Là on peut parler de partie importante(3). J’en profite pour préciser que je ne considère pas la loi sur l’autonomie des universités comme une loi liée à l’éducation mais comme une loi liée à la gouvernance des universités, nuance. L’éducation c’est avant et j’espère que les étudiants ne m’en voudront pas de considérer que puisqu’ils sont à l’université leur bagage scolaire est déjà conséquent(4).
Dans la même veine vous noterez qu’à aucun moment il n’y a de critique sur le concept de « produire en France ». Juste une pique sur cette idée que « on ne peut pas prendre le pouls de l’économie française en se désolant parce qu’une PME des Pyrénées-Atlantiques délocalise. » N’en déplaise à Alain Minc une PME qui délocalise, c’est grave et important. Et lorsque c’est une « grande entreprise » qui délocalise, que faut-il en déduire sur le pouls de l’économie française ?
Je vais terminer par une dernière phrase, extraite de l’interview : « il ne suffit pas de dire que tout va mal en France » assène Alain Minc. Sans doute que tout n’est pas au mieux, mais au fait comment commence le livre de François Bayrou ? Quelle est la première phrase de « 2012 Etat d’urgence » ? « Les mauvais jours finiront« . Et 3 lignes plus loin « C’est cet espoir qui est le sujet de ce livre« .
Alors non, François Bayrou ne se contente pas de dire que tout va mal. Au contraire il offre une vision d’espoir, il montre la lumière au bout du tunnel. Monsieur Minc lui, persiste à nous en montrer l’entrée en bon méridianopète qu’il est…
(1) L’interview d’Alain Minc au magazine Le Point est titrée « Quand Minc tacle Bayrou ».
(2) Verbatim : « [F. Bayrou] tente de se positionner au-dessus des partis politiques traditionnels et de se présenter aux Français comme un sauveur »
(3) Et qu’on ne vienne pas me rétorquer qu’Alain Minc parlait d’importance en terme de contenu et non pas en terme de nombre de pages…
(4) Je devrais peut-être nuancer mon propos, ayant entendu qu’une grande école comme HEC avait désormais un programme de « remise à niveau » pour certains de ses étudiants. Raison de plus pour « instruire »…