La primaire de la droite donne l’occasion à tous ses candidats de s’engager à lutter contre l’assistanat. Pourtant, si le concept de ne vivre que des subsides de l’état est en soi immoral je ne le considère pas quoi qu’on en dise comme une réalité tangible, tout simplement parce que les politiques oublient plusieurs paramètres.
Le premier de ces paramètres et le plus important à mes yeux est la part d’ombre des ménages censés n’être que des assistés. J’entends ici que la plupart des familles présentées comme vivant aux crochets de la société ont en fait des revenus non déclarés, à savoir travail au noir ou business forcément illégal. Dès lors qu’une part non négligeable des ressources du ménage en question provient d’une source inavouable et pas de la solidarité nationale, il faut être de bien mauvaise foi pour continuer de parler d’assistanat dans ces conditions.
Ceci posé et j’espère accepté, nous sommes d’accord sur la définition à donner : il est question ici d’une population qui a pour seules ressources les minimas sociaux et autres allocations sans jamais chercher à frauder en quoi que ce soit. Mais comme on le verra dans ce billet l’assistanat ainsi considéré ne correspond plus du tout à l’idée que nombre s’en font.
L’autre paramètre que les politiques oublient de mentionner est le maquis réglementaire qui régit toutes ces aides. A en entendre certains ces dernières sont si nombreuses et si conséquentes financièrement parlant que primo elles se suffisent à elles-mêmes et que deuxio cela découragerait le retour à l’emploi puisque le gain supplémentaire espéré par le salaire ne compenserait pas assez les efforts fait pour aller travailler ni la perte de ressources des aides en question.
Cela pourrait être vrai si les assistés – appelons les comme cela – avaient les moyens pratiques et même intellectuels de faire ce type de calcul. Mais pour m’être moi-même lancé dans l’exercice à l’occasion de ce billet je ne suis pas loin d’affirmer que c’est juste impossible.
Revenons maintenant à notre point de départ, vivre de l’assistanat en « consommant des prestations sociales« , terme horrible pourtant utilisé par les politiques. Je vais tenter de démontrer ici que la somme des recettes ne permet pas de faire vivre décemment(1) une famille de 5 personnes, 2 adultes et 3 enfants, même si c’est un vrai parcours du combattant que de lister et évaluer au plus proche quelles sommes mensuelles pourraient prétendre cette famille A., A. comme assistés bien sûr.
Pour débuter décrétons que les deux parents sont au chômage depuis longtemps, voire depuis toujours. Ils bénéficient donc de l’ASS, soit 2 x 488,10€ (16,27€ par jour et par personne). Nous obtenons ainsi un premier revenu de 976,20€. Ils vont aussi bénéficier du RSA, même si ce dernier dépend de l’ASS. Mes calculs font part d’un montant brut de 519 € mais comme l’ASS vient en déduction du RSA il ne reste plus à notre famille que 31€ à ce titre.
Pour les allocations familiales, j’ai tenté d’optimiser l’age des 3 enfants afin de maximiser les revenus, à savoir un enfant de plus de 16 ans, un enfant de 8 ans et un enfant de 4 ans(2). Dans ce cas cela représente un revenu mensuel de 295,35 € auquel j’ajoute 64,73 € au titre de l’enfant de plus de 14 ans. Nous avons donc là un autre revenu de 360,08€.
La prime de rentrée scolaire doit également être prise en compte. Même si elle est versée en une fois, son montant n’est pas négligeable pour autant. J’en veux pour preuve que dans mon cas, la prime de rentrée s’élève à 759,29€, soit tout de même 63 € par mois.
Ajoutons enfin l’APL, l’aide personnalisée au logement. Elle est en moyenne de 230 € par mois mais pour mon exemple je dois me décider pour un type de logement et une ville. Puisque les politiques sont dans le cliché restons-y et disons que notre famille A. habite en HLM un appartement de 4 pièces à Aubervilliers. C’est l’appréciation la plus complexe à estimer car le montant dépend du loyer et des ressources. En tout état de cause il faut non pas compter le montant en tant que tel mais sa différence avec le loyer. Précisons ici qu’il est impossible – sauf à frauder – de percevoir une aide au logement supérieure au loyer et admettons donc que notre famille A. paye 700 € de loyer mais reçoit en retour 470 € d’aide au logement.
On arrive ainsi à un total général de 976,20€ + 31 € + 360,08 + 63€ + 230 € + 470 € soit 1770,28€ chaque mois. C’est en soi une somme conséquente, surtout si l’on considère que certains des candidats à la primaire souhaitent voir plafonner l’ensemble des aides à 60% du SMIC, assurément de quoi être incité à aller travailler…
Mais regarder comment un ménage vit de l’assistanat ce n’est pas seulement calculer ce qu’il gagne, c’est aussi calculer ce qu’il dépense : Débutons par le logement car en dépit des 470 € d’aide c’est 700€ de loyer qu’il faut sortir. On peut ici ergoter pour savoir si c’est avec l’eau froide ou sans le chauffage, de toute manière notre famille n’a plus maintenant que 1070,20€ pour terminer le mois. Dans les autres dépenses contraintes nous devons compter l’électricité et l’accès internet, deux postes indispensables puisqu’il existe un tarif social pour chacun d’eux. Posons 70€ pour l’électricité et 30€ pour la téléphonie et Internet(3). Il reste alors 970€ pour toutes les autres dépenses dont la plus importante, l’alimentation. Si je pars de mon budget personnel nous dépensons à 2 adultes 500 € par mois pour ce poste, mais sans jamais vraiment surveiller le ticket de caisse. Est-il possible de dépenser la même somme mais pour une famille de 5 personnes dont 3 enfants ? Admettons ici que oui, même si je pense qu’il serait plus raisonnable d’ajouter une centaine d’euros à ce poste de dépense.
Arrivé à la fin de mes calculs je me retrouve donc avec un « reste à vivre » de 470€. C’est en valeur absolue encore une belle somme mais étalée sur 30 jours et répartie sur 5 personnes cela fait à peine plus de 3€ par jour et par personne. Si je n’ai pas la prétention ici d’avoir fait des calculs justes je pense tout de même être assez près de la réalité pour pouvoir dresser des conclusions.
La première qui me vient à l’esprit est que si la famille n’est pas composée d’au moins 3 enfants, vivre de l’assistanat sans revenus annexes est impossible. Ou alors il faut – comme déjà indiqué ailleurs dans ce billet – imaginer des conditions de vie qui ne correspondent pas au standard que l’on est en droit d’imaginer pour un pays tel que le nôtre.
La seconde conclusion est que – quand bien même notre famille arriverait à vivre de l’assistanat – cela ne peut pas s’accompagner pour autant d’une certaine tranquillité d’esprit. C’est en effet une bataille quotidienne – chaque jour ! – qu’il faut mener pour surveiller les dépenses et ne pas sombrer dans le rouge.
Enfin je veux battre en brèche l’idée selon laquelle trouver du travail ne serait pas rentable. Cela pourrait à la rigueur se discuter sur du temps partiel mais avec un simple emploi à temps plein au SMIC les revenus mensuels de notre famille A. passeraient de 1 770,20€ à environ 2 400€. Allons plus loin et imaginons que nos deux parents trouvent subitement du travail. Nous aurions alors un SMIC pour chacun et aucune baisse à craindre du coté des allocations familiales ou de la prime de rentrée scolaire, puisqu’elle est distribuée sans conditions de ressources(4). Comment imaginer un seul instant refuser de voir ses revenus passer de 1 770,20 € à ne rien faire à 2*1 150 + 360,08 + 63 + l’APL soit un tout petit peu moins de 3 000 € ? La barre est même passée avec la prime pour l’emploi, complément de rémunération dont notre famille bénéficiera en fin d’année.
Alors l’assistanat est-il un mythe ou une réalité ? En dépit ce ce que je viens d’écrire il est une réalité concrète mais seulement parce que des revenus pas forcément avouables viennent s’ajouter aux ressources prévues par nos textes. Il est hélas bien plus facile de ne montrer qu’une face et d’occulter l’autre.
(1) Il est tentant de vouloir coûte que coûte affirmer que l’assistanat est une réalité mais faire dans le même temps abstraction complète des conditions de vie au quotidien qu’il faut subir en retour relève de la mauvaise foi.
(2) On pourrait m’objecter que « les assistés » ont souvent plus de 3 enfants mais ce serait déjà reconnaître que toutes les familles avec 3 enfants ou moins ne peuvent pas vivre dans l’assistanat.
(3) Pour prendre mon cas personnel je dépense le double pour l’électricité et le triple (!) pour la téléphonie et Internet, ce qui me permet d’affirmer que je ne pense pas être très éloigné de ce que pourrait dépenser en ces domaines la famille A.
(4) Je sais que les allocations familiales sont désormais liées aux revenus du ménage. Mais dans le cas que j’étudie ici cette disposition est inopérante.
L’assistanat, mythe ou réalité ?
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