Dans la perspective d’un retour aux affaires l’UMP s’est lancé peu de temps après les défaites de 2012 dans des états généraux traitant de la famille, de la défense ou du travail. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’analyser ce dernier thème sur ce blog. Mais je ne ferai pas de même avec ces derniers états généraux, consacrés à l’immigration. Je vais me contenter de critiquer l’analyse de certains chiffres de ce rapport afin de rester sur le terrain le plus factuel possible et comme on dit, tenter de dépassionner le débat.
L’UMP présente donc un état des lieux de l’immigration, qui débute par des chiffres introduits par cette phrase : « La France compte une population immigrée nombreuse« . En effet poursuit le rapport, « la part d’étrangers en France est de 5,8% en 2011 » et pour en faire la démonstration il est présenté un tableau reprenant les « Effectifs des principales populations immigrées dans certains pays de l’UE en fonction de leur pays d’origine » avec des sources incontestables (Insee, Statista, DGSIE, Office for National Statistics.). Ce que je veux contester par contre c’est l’impression induite par ce tableau. Il reprend pour quatre pays européens (France, Allemagne, Belgique et Royaume-Uni) les 3 premières populations étrangères. On apprend ainsi qu’en France la première population étrangère vient d’Algérie (713 000 personnes), ou qu’en Belgique la France arrive deuxième – derrière une surprenante Italie – avec 130 568 personnes. Non ce qui me gêne ici c’est que l’UMP omet de faire le rapprochement avec le pourcentage de la population. Pourtant ce rapprochement est fait quelques lignes plus haut, souvenez-vous : « La part d’étrangers en France est de 5,8% en 2011« . (1)
J’ai donc regardé quel était le pourcentage des 3 premières populations étrangères par rapport au nombre d’habitants du pays concerné. Surprise, la France est dernière, du moins quatrième sur les 4 pays du tableau. Si on fait la somme des personnes venant d’Algérie, d’autres pays d’Afrique(2) et de Tunisie on obtient 1 617 000. Ramené à la population française (64 215 000 habitants) nous obtenons 2,5%. Regardons alors ce que nous obtenons avec les autres pays mentionnés : le Royaume-Uni ? 2,9% L’Allemagne ? 3,3% La Belgique est la plus concernée semble t-il puisque son taux s’élève à 3,8%. Que faut-il en déduire ? Tout simplement que, pour que le postulat de départ puisse rester vrai, (5,8% d’étrangers en France en 2011) il faudrait statistiquement ventiler sur tous les autres pays de la planète 2 200 000 personnes étrangères. La déduction qui s’impose d’elle-même est que l’immigration africaine (Algérie + « autres pays d’Afrique » + Tunisie) n’est pas l’immigration majoritaire, car elle ne représente « que » 42,3%. Nous découvrons alors que « l’immigré-type » est à 57,4% originaire d’un autre continent que l’Afrique.
Il faut garder ce ratio pays d’Afrique / pays hors Afrique en tête car l’UMP y revient quelques lignes plus loin, à propos du chômage des étrangers : « le taux de chômage des immigrés est beaucoup plus fort que celui des non-immigrés : 16,3% contre 8,5% en 2011. Il est même de 23 % pour les personnes originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne« , ce qui vous en conviendrez revient peu ou prou à stigmatiser cette population puisque nous venons de voir qu’elle n’est pas majoritaire en terme de population étrangère. Elle apparaît néanmoins coûteuse puisque comme l’affirme le texte, « Ce « surchômage » des immigrés a un coût d’environ 3 milliards d’euros pour l’assurance chômage« . 3 milliards d’Euros c’est une somme, c’est pourquoi à partir des chiffres de l’UMP j’ai cherché à savoir combien cela représentait par chômeur. Cherchons d’abord à calculer le total de la population concernée. Nous ne parlons là que des « personnes originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne » alors que – rappelez-vous – le tableau englobe aussi les « autres pays d’Afrique« , mais ce n’est là qu’un détail infime. Donc notre population de départ est de 1 617 000. 23% de ces personnes sont touchées par le chômage, soit 371 910 personnes, et se partagent par conséquent les 3 milliards d’Euros de « surchômage ». La division donne 8 066 € par personne, soit 672.16€ par mois. Est-ce beaucoup ou est-ce peu ? La réponse pourrait surprendre mais c’est très peu puisque cette somme est inférieure au minimum de perception de 851,40€. Je vous laisse imaginer un instant les conséquences politiques s’il fallait admettre qu’indemniser un chômeur étranger est plus économique qu’indemniser un chômeur français(3).
Le plus inquiétant est ailleurs à mes yeux, dans l’épithète utilisé. Car le raisonnement est simple, simpliste même. Pour l’UMP ce chômage là n’en est pas véritablement un puisqu’il le qualifie de « surchômage » ; bref, cessons d’indemniser ces 371 000 personnes et… et alors quoi ? Le pays s’en porterait-il mieux ? Pas sûr.
(1) Je me permet d’ajouter que la population dite « immigrée » , telle que décrite dans ce même texte est de 200 000 soit 0,31% de la population française. « Peanuts » pourraient dire certains…
(2) C’est intitulé ainsi dans le tableau.
(3) Le texte passe sous silence un éventuel écart de salaire entre étranger et français. Je ne sais pas si des études en ce sens existent mais selon mon idée le salaire moyen d’un étranger est inférieur au salaire moyen d’un français. Il est donc logique que l’indemnisation chômage d’un étranger soit inférieur à l’indemnisation chômage d’un français.