C’est par passion de la politique et non pas par conviction personnelle que j’ai regardé le premier débat de la primaire du parti socialiste. Je n’étais a priori pas le seul, l’audience ayant été selon les journalistes du domaine de l’inespéré. En bon homme moderne j’ai aussi « live-tweeté » l’événement, mon netbook posé sur la table basse du salon. Et c’est d’un oeil presque distrait que j’avais ouvert un nouvel onglet de mon navigateur pour regarder la « une » du Figaro. A ma grande surprise – et alors que le vrai débat démarrait à peine(1) – le Figaro titrait déjà « Aubry attaque Hollande sur l’éducation« . Je me suis dis à cet instant « tiens, j’ai dû louper quelque chose… » car je n’avais pas noté de quelconque accrochage ou haussement de ton chez l’un ou l’autre candidat. Une oreille pour la télévision et un oeil pour l’écran de mon ordinateur, le doute devait profiter aux journalistes qui eux analysaient l’événement bien mieux que moi. Dont acte. Mais un quart d’heure avait passé que je continuais de penser au décalage entre ma perception du débat et celle donnée par le Figaro. Je ne voyais donc pas les attaques ? Je ne trouvais rien de polémique dans les répliques de Martine ou de François ? Je retournais donc sur la page internet pour en avoir le coeur net, enfin savoir à propos de quelle proposition Martine Aubry avait t-elle attaqué François Hollande… et là grande surprise le titre avait déjà changé ! Il était devenu « Aubry attaque Hollande sur le nucléaire« (2). J’avais bien suivi le débat sur le nucléaire – un sujet qui m’intéresse – et j’avais même « tweeté » que le débat ressemblait plus à un brainstorming qu’à un vif échange. Bien sur le ton avait un peu monté au moment de parler de Flamanville, mais de là à parler d’attaque c’était un peu fort tout de même. Bref, plus l’émission approchait de sa fin et plus je comprenais la ligne du Figaro : Sans doute déçu de voir que le débat était une réussite – au moins sur le plan de l’audience – et désireux de pas tresser de lauriers à cette nouvelle forme de démocratie politique, le quotidien contre-attaquait avec cette idée en tête : le débat avait été en fait houleux puisque l’une des candidates attaquait l’un des candidats. Le lendemain matin(3) le langage de guerre n’avait pas quitté le Figaro : « Présidentielle : la guerre sur Twitter a commencé entre les socialistes« . Décidément il s’en passe de belles sur Twitter doit penser le lecteur du journal. Sauf qu’en fait de « guerre » il ne s’agit rien de moins ni de plus que l’échange logique entre supporters de tel ou telle candidat. J’ai pour ma part très envie de dire au Figaro que non ce n’est pas la guerre sur Twitter, qui d’ailleurs en a déjà vu d’autres(4). Notez que le Figaro suit bien ce qui se passe sur ce réseau social, puisque « sur Twitter, la droite donne l’avantage aux outsiders », histoire d’envoyer un message vers Martine Aubry et François Hollande sur le thème « attention, ce n’est pas gagné… ».
Plus loin je trouvais cet autre article, tout aussi volontairement polémiste : « Débat PS : six candidats, deux rivaux » et le Figaro de souligner avec délectation que « la rivalité entre François Hollande et Martine Aubry est apparue au grand jour« . Ah, vous voyez bien qu’au PS on ne s’aime pas et qu’il sera bien difficile de se rallier au vainqueur le soir du 16 octobre…
Par comparaison le Parisien titrait lui sur « un débat très, très sage…« , et de souligner l’absence de coup d’éclat.
La journée passant, l’UMP réagissait par l’intermédiaire de Jean-François Copé. Aussitôt le Figaro embraye sur l’argument choc du temps de parole : Puisque le PS a eu droit à trois heures d’antennes sur une chaîne du service public, il est bien normal que la majorité présidentielle bénéficie d’un temps équivalent. L’ultimatum est alors donné : « France 2 a trois mois pour compenser le temps de parole« .
Au final je n’ai pas trouvé d’analyse strictement politique de ce qui s’est dit. Je me pemet toutefois de jouer les éditorialistes et de souligner que finalement le premier perdant de la primaire est le projet du PS, qui n’a été hier soir le programme de personne.
Post-Scriptum : je découvre que Daniel Schneidermann fait la même analyse que moi quant à la volonté du Figaro de jeter de l’huile sur le feu de la primaire du PS.
(1) Sous-entendre la dernière partie de l’émission, celle où les prétendants pouvaient s’interpeller.
(2) J’ai depuis décidé d’installer un outil de capture d’écran sur mon netbook. Vous n’avez ici que ma parole comme preuve de ce que j’avance.
(3) Ce jour en fait, où je tape ce billet.
(4) J’ai sur mon disque dur une copie-écran d’un échange sur Twitter entre Pascal Nègre et Maître Eolas qui est tout sauf « soft ».