Les promesses du Printemps Marseillais pour Marseille

Le Printemps Marseillais a gagné l’élection municipale de Marseille et se retrouve donc à la tête de la mairie pour 6 ans. Comme pour tout mouvement politique il a édité une profession de foi de 32 pages décrivant – avant coup – ce qu’il compte faire une fois installé à l’hôtel de ville. « Ce programme est conçu pour présenter ses premiers effets dès la rentrée 2020. Pour cela, nous allons organiser un premier audit financier et prendre dans les 100 premiers jours une série de mesures. Il s’agira de poser les jalons de notre politique pour les années qui suivent. » Hélas nombre d’engagements sont intenables malgré la bonne volonté affichée.
Débutons par le « Plan d’urgence pour l’école publique » qui est constitué de 7 sous-chapitres avec à chaque fois un « Le Printemps Marseillais s’engage à … ». Nous voyons ici à quel point il y a urgence pour ce mouvement politique car il n’y a rien moins que 77 engagements pour ce seul thème, de loin le plus fourni. Je vais ici ne m’arrêter que sur un seul engagement, celui consistant à faire cesser le monopole de la Sodexo dans le domaine de la restauration scolaire.
Il s’agit pour le Printemps Marseillais d’ « opérer une transition pour passer du modèle de restauration scolaire en partenariat avec la Sodexo (sur la durée du contrat de la Délégation de Service Public en cours) à la remunicipalisation de la cantine. Cette transition sera pilotée intelligemment sans rompre les liens en circuits courts qui ont pu être mis en place avec la Sodexo. (…). »
Hélas, le Printemps Marseillais ne dit rien à ce stade du contrat actuel ni de comment il compte s’y prendre pour que la Sodexo soit dans l’incapacité de proposer sa candidature à un nouveau marché public ou partenariat de type DSP-PPP, puisqu’il s’agit de cela et de rien d’autre. Nous verrons d’ailleurs plus bas dans ce billet qu’en réalité le Printemps Marseillais ne peut rien faire dans ce dossier.

Nous avons ensuite le thème « Petite enfance ». Ici pas de sous-chapitre ni même de « Le Printemps Marseillais s’engage à … » ; juste un « nous voulons » constitué de 5 points.

Pour « Le logement, grande cause municipale » dixit le programme il y a 22 points de type « Le Printemps Marseillais s’engage à … ». Je note pour ma part que contrairement à l’école ces points sont placés avant les 2 sous-chapitres de ce thème. Sur l’engagement de « Produire 30 000 logements sur 6 ans, adaptés aux revenus des Marseillais. » je peux déjà affirmer qu’il n’en sera rien car cela reviendrait à une production de 13 logements par jour, par jour ! Nul doute que la municipalité comptera chaque logement rénové comme étant « produit » – artifice habituel quelle que soit la couleur politique de la majorité municipale – mais même ainsi, si nous arrivons dans 6 ans à 1 500 logements « adaptés aux revenus des Marseillais » le Printemps Marseillais pourra mettre cela à son seul crédit.

« Art, culture, éducation populaire » est lui consitué de 6 sous-chapitres qui étrangement sont numérotés de « A » à « F » et non pas cardinalement comme pour les autres thèmes. Il n’y a ici que des déclarations de volonté avec un « nous voulons : «  de 31 engagements. Je trouve aussi un « il faudra » avec 4 points. Je note enfin que si 4 engagements sont du ressort des mairies de secteur, 3 relèvent de la métropole ce qui impliquera de négocier un accord de principe avant de se lancer dans la réalisation de ces souhaits.
Autre thème du tract, « Pour une ville solidaire », sans aucun sous-chapitre même s’il existe des intertitres mais sans numérotation. Le « nous voulons » est toujours là avec 33 engagements et pour la seule fois dans ce tract l’usage de l’écriture inclusive. Je relève néanmoins que le Printemps Marseillais compte « organiser des journées de formation dans les écoles primaires et secondaires contre la transphobie et l’homophobie. » Des « journées de formation » et non pas des  » journées d‘information ». J’avoue sans honte être pour le second mais contre le premier.
Vient ensuite un thème d’importance, « Prévention, civisme et sécurité ».. Il y a 28 « nous voulons » dont 1 explicitement du ressort de la métropole. Là aussi pas de décomposition en sous-chapitres numérotés. Mais surtout, ces 28 déclarations ne visent qu’à une lutte indirecte face à l’incivisme ou à la sécurité : à aucun moment il n’est question de sanctionner qui que ce soit. Par exemple : « Lutter contre les incivilités : ne pas se garer n’importe comment, ne pas rouler dangereusement, ne pas importuner ses voisins ou les passants par un comportement bruyant, ne pas jeter ses ordures n’importe où (dépôts sauvages, jets de détritus, déjections canines…). » ou bien encore « Accorder des moyens à la médiation sociale, aux dispositifs de prévention en direction des jeunes, à  l’accompagnement des victimes, à l’accès au droit et à la justice de proximité. » voire « Porter une attention renforcée à la prévention de la récidive, à l’accompagnement des publics en souffrance, par un suivi personnalisé des jeunes et des familles hors champ judiciaire. »
Notons ici la litote « public en souffrance » en lieu et place de « délinquant » puisque s’il faut lutter contre « la récidive » c’est bien parce qu’un premier délit – sanctionné de surcroît – a eu lieu. Le Printemps Marseillais veut également multiplier les médiations : « Organiser les Assises annuelles des Sécurités pour Marseille », « Organiser des “Forums de rues » pour que les Marseillais rendent compte des désordres pluriels auxquels ils sont confrontés », « Redonner toute leur place aux collectifs citoyens, aux travailleurs sociaux », « Accorder des moyens à la médiation sociale, », « Ouvrir une Maison de la justice et du droit ». Rien que ça. Ainsi nous voyons que le volet prévention est plus que présent alors que le volet sécurité est lui tout à fait inexistant. Il s’agit d’abord pour le Printemps Marseillais de se défausser sur les autres collectivités territoriales : « Exiger une augmentation des moyens actuellement insuffisants consacrés par le Conseil départemental et l’État au suivi des mineurs et majeurs sous main de justice. » ; « Exiger de l’État l’affectation des policiers nationaux nécessaires pour exercer les missions qui sont les leurs, dans tous les quartiers et 24h sur 24. ». C’est moi qui souligne. Les délinquants – eux – auront noté la volonté de la nouvelle municipalité de « mettre en oeuvre un moratoire sur les dispositifs de vidéosurveillance ».

« Sport, santé,bien-être » est constitué de 30 engagements de type « nous voulons ». Je compte être attentif sur un point : « Aider les associations sportives, en toute transparence des attributions de subventions, et sur des critères lisibles : pas de subvention aux clubs et équipements où l’entrée est subordonnée à un “parrainage », attention particulière aux associations attentives à la mixité des genres et de mixité sociale. » Le gras est de moi. Quant aux « clubs et équipements où l’entrée est subordonnée à un “parrainage » le pluriel est ici inutile car cette mesure vise directement et uniquement le Cercle des nageurs marseillais, chacun l’aura compris.

« Propreté, enlèvement et traitement des déchets » est sans doute le thème auquel les marseillais tiennent le plus. Je vous l’avoue, c’est la lecture de ce thème dans ce tract qui m’a incité à prendre la plume ; vous allez vite comprendre pourquoi : le Printemps Marseillais ne s’engage à rien du tout. Oui, vous avez bien lu et moi aussi, pas de « Nous voulons : «  ni de « Le Printemps Marseillais s’engage à «  suivi de 77 points comme pour l’école. Nous n’avons droit ici qu’à un long constat et quelques idées symboliques voire baroques pour certaines : « éteignoirs à cigarettes devant tous les lieux publics, toilettes sèches ».
A la décharge du Printemps Marseillais je me dois de souligner – comme eux – que « La Métropole a conclu en 2017 et pour 6 ans des marchés de collecte des ordures ménagères à un prix exorbitant. ». Cela reste toutefois un terrible constat d’impuissance et au-delà la perspective que rien ne va changer dans ce domaine lors des 6 prochaines années. C’est bien triste.

« Ecologie, agriculture urbaine, alimentation et biens communs » est un autre thème développé dans le tract. Il n’y a toujours pas de numérotation des sous-chapitres, juste des intertitres, mais nous retrouvons les « nous voulons : », au nombre de 24. Je relève le doublon – certains diraient l’idée fixe – de l’abandon de la Sodexo qui bénéficie ici d’un intertitre rien qu’à lui. Las, nous sommes dans la catégorie « voeu pieux«  puisque la DSP – Délégation de Service Public – court jusqu’en 2025. Autrement dit si la majorité d’hier le redevient demain cela n’aura aucun impact pour la Sodexo.

Etrangement nous retrouvons une numérotation avec « Le transport », ainsi que le retour du slogan « le Printemps Marseillais s’engage à «  sur plus de 30 points. D’un point de vue formel il est difficile de clairement compter ces points, le tract faisant usage ici d’une nouvelle « puce » qui n’est visible nul par ailleurs dans le texte. Néanmoins un point a retenu mon attention à cause de son caractère incantatoire, je n’ai pas peur du terme : « Accélérer les projets métropolitains de prolongement : De 5 stations de métro vers le Nord, le Sud et l’Est. » Lorsque l’on sait le temps qui a été nécessaire pour la prolongation du terminus M2 d’une seule station distante qui plus est de seulement 800 mètres on mesure à quel point il va être difficile pour le Printemps Marseillais de tenir cette promesse.

Vient ensuite, « Marseille, ville attractive ». Ce sujet n’a pas l’air d’attirer plus que cela le Printemps Marseillais puisque nous ne trouvons ici qu’un seul intertitre, « propositions«  au pluriel, décliné en une seule proposition : « 1. Réduire la pauvreté en créant plus d’emplois locaux grâce aux clauses environnementales et sociales des marchés publics, et réduire la fracture Nord-Sud « .
Vous ne lirez pas de « 2. » sur ce thème. Vous ne trouverez pas non plus de « nous voulons » ou autre « le Printemps Marseillais s’engage à  » mais un simple « le Printemps Marseillais prévoit de » ce qui vous en conviendrez n’engage à rien de précis.

Passons ensuite à un sujet plus politique : « Le conseil municipal : le coeur de la ville « . Avant même les 9 sous-chapitres ( de « A«  à « I« ), « le Printemps Marseillais s’engage «  sur 9 points. Le texte ne fait ensuite que reprendre ces promesses.

« Démocratie vivante et numérique » est sur le même schéma : 8 points « le Printemps Marseillais s’engage «  placés avant les 4 sous-chapitres lettrés si je puis dire. Je veux souligner le « D » développé sur une page entière, ce qui en fait le sous-chapitre le plus long de tout le tract. Il faut croire que c’est important puisqu’il s’agit de « D. Faire une ville citoyenne et numérique ».

Avec « Budget et Finances » nous avons droit aux graphiques et par conséquent avec une certaine rupture de lecture. 27 fois « le Printemps Marseillais s’engage «  dont 17 sur la base du rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Après des explications souvent techniques – sujet financier oblige – « le Printemps Marseillais s’engage «  sur 21 points. Je note la volonté de la nouvelle majorité municipale de « suivre les recommandations de la cour régionale des comptes ». Je veux aussi relever l’engagement de « Fournir une plateforme accessible à toutes et tous pour explorer et comprendre le budget.« , objectif a priori peu coûteux.

Je ne sais pas trop dire si le Printemps Marseillais a gardé le meilleur pour la fin mais sa profession de foi se termine sur une note qui – j’avoue – me mets mal à l’aise alors que je devrais plus logiquement applaudir. Tout part d’un constat qui fait office de titre : « Marseille est une ville jeune gouvernée par des vieux ». Si je devrais faire preuve de mauvaise foi pour ne pas partager le constat je reste plus que dubitatif sur l’ambition du Printemps Marseillais dans ce domaine. Peut-être faut-il en accuser la sémantique utilisée où le Printemps Marseillais explique sur 6 points – à la place des jeunes – ce qu’ils voudraient. « Ils voudraient«  ceci, « ils voudraient cela« . J’y trouve un coté « enfoncer les portes ouvertes«  car nombre de jeunes veulent du travail, des équipements sportifs de qualité ; cela va sans dire. Par contre j’ai plus rarement entendu ces mêmes jeunes réclamer « pouvoir accueillir leurs amis venus de partout dans des auberges de jeunesse au prix abordable », voire « profiter d’une ville où on peut circuler, même le soir en rentrant d’une fête, sans être obligé de prendre un taxi ».
Ce qui m’a mis mal à l’aise dans ce chapitre c’est la négation des conséquences néfastes des trafics de drogues qui gangrènent non seulement la ville mais surtout la jeunesse de cette ville. Car le Printemps Marseillais n’hésite pas à accuser directement les forces de l’ordre puisque les jeunes « voudraient être respectés par les polices municipale et nationale, la nuit comme le jour. Ils voudraient ne pas avoir à pleurer leurs amis victimes d’un tir malheureux. À Marseille, trop souvent, le prix à payer pour de la petite délinquance, c’est la mort ; »
Hélas, trois fois hélas ! Je n’ai pas connaissance sur Marseille de jeunes pleurés à cause « d’un tir malheureux par les polices municipale et nationale ». Je considère au contraire que 100% – 100% oui – des jeunes tués par balle le sont par d’autres jeunes avec en toile de fond le trafic de drogue et ses conséquences néfastes.
Le Printemps Marseillais serait bien inspiré de prendre la mesure de qui se passe réellement dans ces quartiers. Il faut avoir conscience que « le code d’honneur » ne connaît ni licenciement, ni sursis, ni prison. La seule peine existante en place est « le contrat«  avec sa conclusion funeste. Nier le problème et son étendue n’est pas se donner les moyens de lutter contre ce fléau.
Pour résumer ce long billet je dirais que le Printemps Marseillais affiche parfois de belles ambitions, annonce souvent des promesses dont il sait par avance qu’elles ne seront pas tenables et prépare déjà la défense de son bilan en expliquant que si elle n’a pas pu faire ce qu’elle souhaitait faire c’est que les autres collectivités n’ont pas joué le jeu.

À propos de VincentB

"Né citoyen d'un Etat libre, (...) quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire" [Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social]
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