Dans un « thread » sur Twitter de 9 messages le député européen David Cormand dénonce une circulaire envoyée par le ministère de l’intérieur enjoignant les préfets à ne pas compter les voix des électeurs des communes de moins de 9 000 habitants au soir du 15 mars 2020, date du 1er tour des élections municipales. L’objectif caché voire secret serait donc de « sûr-coter le score de la majorité présidentielle aux municipales, minorer celui du FN, et diluer ceux des autres offres politiques aux municipales« .
Pour commencer sa démonstration David Cormand évoque la dilution des nuances des listes avec un argumentaire imparable : « Plus il y a de possibilités de nuances qui ne concernent pas les listes #LREM ou soutenues par #LREM, plus l’opposition paraîtra faible« . La vérification étant aisée j’ai comparé les nuances disponibles lors des municipales de 2014 avec celles du printemps prochain.
Muncipales de 2020 |
Municipales de 2014 |
Liste Extrême gauche |
Liste Extrême gauche |
Liste La France insoumise |
Liste Front de Gauche |
Liste du Parti de Gauche |
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Liste du Parti communiste français |
Liste du Parti communiste français |
Liste Socialiste |
Liste Socialiste |
Liste Union de la Gauche |
Liste Union de la Gauche |
Liste Divers gauche |
Liste Divers gauche |
Liste Europe-Ecologie-Les Verts |
Liste Europe-Ecologie-Les Verts |
Liste Divers |
Liste Divers |
Liste Modem |
Liste Modem |
Liste divers centre |
Liste Union du Centre |
Liste Union Démocrates et Indépendants |
Liste Union Démocrates et Indépendants |
Liste Les Républicains |
Liste Union pour un Mouvement Populaire |
Liste Union de la Droite |
Liste Union de la Droite |
Liste Debout la France |
Liste Divers droite |
Liste Front National |
Liste Front National |
Liste Extrême droite |
Liste Extrême droite |
Liste du parti radical de gauche |
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Autre liste écologiste |
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Liste régionaliste |
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Liste gilets jaunes |
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Liste la république en marche |
Il y a cinq nuances supplémentaires par rapport à 2014 et ce n’est là que le reflet de l’évolution du paysage politique depuis six ans. Tout au plus est-il possible d’accuser le ministère de l’intérieur d’avoir créé la nuance « liste régionaliste » ; quant aux autres nouvelles listes ce serait plutôt l’inverse qui aurait été dénoncé, à savoir l’absence d’un décompte spécifique pour les « gilets jaunes » voire pour les partis plus traditionnels comme le parti radical de gauche ou debout la france. Je considère donc que le premier argument avancé par David Cormand n’est pas convaincant.
Mais admettons tout de même pour la démonstration à suivre qu’il a raison, et que le gouvernement veut diluer le résultat des opposants au président de la république. C’est encore plus faux oserais-je dire car, quelle que soit la manière dont on comptera les votes nous aurons bel et bien un vote LREM face à un vote « autres », peu importe comment cet autre est ensuite décomposé. Reconnaissez avec moi que – par exemple – si LREM recueille 182 voix dans une commune de 1 000 votants cela veut aussi dire que 82% auront voté pour d’autres listes, peut importe ensuite la répartition de ces 818 voix restantes. Si je me place du coté du député européen il s’agit – toute proportion gardée – d’un scrutin LREM contre le reste du monde, ce qu’on pourrait facilement qualifier de referendum.
David Cormand accuse aussi le gouvernement de « Casser le thermomètre en sortant les communes de moins de 9000 habtitant•es. Pourquoi? C’est très bien expliqué ci-dessous👇 Ce sont les communes où #LREM est électoralement faible… (Et là où ils sont incapables de présenter des listes…) » en citant un article de France Infos. Hélas, je trouve pour ma part que justement c’est assez mal expliqué. Là aussi le raisonnement par l’absurde devrait aider à comprendre. Partons donc du principe que le député européen soit dans le vrai : « ce sont 96% des communes françaises, et 54% des électeurs… dont le vote ne comptera pas dans la moyenne nationale cette année » dixit l’article de France Infos.
On a beau accuser le gouvernement de tous les maux il n’est pas question de compter pour rien ces votes. Ces communes auront bien un maire, un conseil municipal, décidé par le vote. La différence – car il y en a bien une – réside dans le fait que les préfets n’auront plus l’obligation comme en 2014 de donner coûte que coûte une nuance à chaque liste. Ce sera à la tête de liste de déclarer lui-même à laquelle des 22 nuances il souhaite se rattacher. Pour être tout à fait clair imaginons une liste « gilets jaunes » dans une commune de moins de 9 000 habitants. La circulaire dit que soit la tête de liste demande à être compté comme « liste gilets jaunes », soit elle ne demande rien. Dans ce dernier cas le préfet ne va pas non pas ne pas compter la liste – ce serait un vrai déni de démocratie – mais la compter tout bêtement comme « liste divers ». Notez avec moi que c’était déjà plus ou moins le cas en 2014 puisque sur la France entière cette liste « divers » a obtenu 9,97% des voix, soit plus de deux millions de bulletins.
Enfin, le député européen accuse le gouvernement de chercher à gonfler le résultat du vote LREM par une « Opération « nid de coucou »… hyper astucieux! Dans la circulaire, les listes se verront attribuer la nuance « LDVC » si investies par plusieurs Partis dont #LREM … Mais attention… Il est expressément indiqué que même sans être officiellement investie. Ces listes auront aussi cette nuance si #LREM leur accorde un simple « soutien »… Cela signifie que pour gonfler son pourcentage, en plus des listes investies par #LREM, les listes qu’ils décident unilatéralement se « soutenir » auront cette nuance « LDVC »… Le tour de passe-passe est très commode… Le soir des résultats, les listes officiellement #LREM dont la nuance est « LREM », et les listes nuancées « LDVC », qui ne peuvent bénéficier de cette nuance QUE si #LREM les investi OU les soutient seront agglomérées« .
Là aussi supposons un instant que David Cormand soit dans le vrai. Pour cela, il faut imaginer l’existence d’une liste qui n’est pas investie par LREM mais qui en reçoit le soutien. Je me mets un instant à la place de la tête d’une telle liste : soit ce soutien est juste auquel cas le préfet a raison, soit ce soutien est artificiel – comme le dénonce le député européen – et alors nul doute que la tête de liste en question devrait se précipiter en préfecture pour faire rectifier sa nuance. Ajoutons encore que supposer ce tour de passe-passe possible n’est possible justement qu’avec des listes déjà assez proches politiquement de LREM. Si proches d’ailleurs qu’il n’est pas interdit d’imaginer une fusion en vue du second tour. L’escamotage aurait plutôt consisté à ne pas créer cette nuance « LDVC » et par conséquent rendre impossible le décompte de l’apport de ces petites listes au parti du président de la république.
David Cormand est dans son rôle d’opposant, il est logique de le voir exploiter la moindre faille chez ses adversaires. Mais ici je considère qu’il a raté son coup.